Biographie

SOMMAIRE

(travail en cours)


1903 (ou 1901) — 1er février : Naissance à Saint-Jean-de-Luz.
Maryse n'a pas connu ses parents.

« Je n'ai jamais connu ni mon père ni ma mère. « Ils sont morts  », disait vaguement tante Anna. « Comment étaient-ils ?  » semblait une question aussi tabou que : « D'où viennent les bébés ?  » ou « Qu'est-ce que la guerre ?  » [...] Peut-être mon père et ma mère n'étaient-ils pas morts, après tout ? Peut-être une méchante sorcière nous avait-elle seulement séparés ? Peut-être me cherchaient-ils comme je les cherchais ? » [1]

Cette douloureuse absence lui fit aussi écrire : « J'ai mal à ma mère.  » [2].
Quelques-uns ont pu supposer que la tante Anna de Brémont était sa véritable mère. Maryse Choisy elle-même, dans ses mémoires, a pu le suggérer, par le non-dit, quand elle relate ce que Freud lui apprit : «  Ça s'est passé quand vous étiez au berceau. Votre mère a fui pour cacher son pedigree et sa honte. Vous êtes une enfant illégitime. », «  Demandez à votre tante ». Celle-ci, mourante, se contenta de lui répondre : « Eh oui, Freud a raison. Tu es un peu enfant naturelle... » et « Ce qui importe, ce n'est pas la naissance, c'est la mort. Le cercueil fait le berceau.  » [3]

Il semble qu'à la naissance de Maryse Choisy et jusqu'en 1951 aucun acte n'ait été dressé. C'est seulement en 1950, pour l'inscription de Maryse Choisy sur les listes électorales, qu'une enquête à ce sujet est lancée. Son acte de mariage en 1939 paraît aux enquêteurs être alors la seule pièce officielle mentionnant sa date et son lieu de naissance : le 1er février 1903 à St Jean de Luz. La justice se demande alors comment elle a pu jusque-là suppléer à ce défaut, non seulement pour son  mariage et sa carte d'électrice, mais aussi pour ses cartes d'identité, d'alimentation et pour ses dossiers universitaires... : « A-t-elle fait, à un moment quelconque, établir un acte de notoriété ? Où et quand ? A-t-elle des frères et sœurs ? Quels sont leurs nom et adresse ? Les père et mère vivent-ils encore ? Où ? Connaît-elle les nom et adresse de témoins susceptibles de nous fournir tous renseignements utiles sur sa naissance et sa filiation ? »
On apprend alors que si elle a pu se marier en l'absence d'acte de naissance, c'est grâce à une lettre d'une dame Marion veuve Dubois, dans laquelle celle-ci avait reconnu sa maternité, non avouée jusque-là pour des « raisons de famille »... Malheureusement, Julia Dubois, née en 1870, est décédée depuis 1949.
Maryse Choisy, de son côté, déclare ignorer ses dates et lieu de naissance ainsi que l'identité de ses parents...
Finalement, le Tribunal de Bayonne, décide que, puisqu'il « importe que toute personne ait un état civil et que l'ordre public y est intéressé », il faut établir que Maryse Choisy est née le 1er février 1903 à St Jean de Luz. [4]

Un autre document officiel, antérieur à l'acte de mariage, aurait pu être consulté : l'acte de naissance, en 1932, de la fille de Maryse. Chose étrange, la date de naissance de Maryse y est différente : le 1er février 1901. On peut donc supposer que Maryse Choisy a tenté, à partir de 1939, de se rajeunir. Sa précocité dans ses apprentissages d'enfant et dans ses études, telle qu'en rendent compte ses mémoires, serait alors à relativiser.



ANNA, COMTESSE DE BRÉMONT  — Anna Dunphy, dite plus tard Comtesse de Brémont, naît en 1852 [5], à New York, de parents irlandais, et passe son enfance à Cincinnati (Ohio). [6]
Elle montre très tôt des dons pour la musique. C'est ainsi qu'elle devient une des principales chanteuses du chœur de la cathédrale de Cincinnati, puis soliste contralto de l'église Henry Ward Beecher de Plymouth, à Brooklyn.
A New York, elle fait la connaissance d’Émile Léon de Brémont, un médecin connu comme le Dr. Leon de Bremon. Celui-ci est né le 5 juin 1834 à Paris, d'un père colonel d'artillerie mort durant la bataille de Constantine. Admis à la Faculté de Médecine en 1867, Léon de Brémont participe à la guerre de Crimée et à la guerre franco-allemande de 1870, ce qui lui vaut la Légion d'Honneur. C'est cette même année 1870 qu'il se serait installé à New York où il crée un dispensaire pour les pauvres. Leur mariage a lieu en février 1878. Mais leur bonheur est de courte durée puisqu'en mai 1882, le comte, alors chirurgien au French Hospital de New York, meurt soudainement d'une pneumonie aigüe. Le New York Times lui dédie un article de sa rubrique nécrologique, où sont vantées son érudition et sa bonté. [7]
Anna de Brémont en 1883
Anna de Brémont hérite d'une fortune considérable mais il semble qu'elle la dilapide assez vite. C'est ainsi qu'on explique sa décision de reprendre le chant de manière professionnelle [8] et de se lancer dans les carrières d'actrice [9], d'auteur et de journaliste.

C'est en 1886 qu'elle s'installe à Londres. [10] Elle y fait rapidement la connaissance de Brandon Thomas, alors bien connu dans les milieux théâtraux et littéraires, qui lui propose une tournée de concerts et de conférences. Celle-ci se révèle être un véritable tour du monde des pays anglophones : Inde, Australie, Afrique du Sud...
A son retour à Londres, elle commence à fréquenter quelques salons aussi aristocratiques que littéraires, tels que celui de Sir Randal Roberts, un directeur de théâtre, et surtout celui de Lady Wilde, poétesse qui s'est fait connaître sous le pseudonyme de Speranza. Anna décrira ces samedis de Lady Wilde, dont elle est une très proche admiratrice, comme des événements excentriques et mémorables, « ces 'at homes' bondés, où les gens étaient serrés comme dans une boîte de sardines, heureux à l'idée qu'ils s'amusaient en proportion de la foule », où l'on croise des personnalités aussi remarquables que Bernard Shaw ou W.B. Yeats.
C'est dans ce salon que la Comtesse de Brémont revoit Oscar Wilde, fils de Lady Wilde, après l'avoir une première fois rencontré à l'automne 1882, alors qu'il accomplissait une tournée de conférences en Amérique du Nord. [11] Anna devient aussi l'amie de l'épouse d'Oscar, Constance, de qui elle est si proche qu'elles sont initiées le même jour, le 13 novembre 1888, dans l'Hermetic Order of the Golden Dawn (Ordre hermétique de l'Aube dorée), société secrète tout juste naissante. [12]
La Comtesse de Brémont a elle-même son propre salon, ouvert les dimanches soirs dans ses appartements du 1, Cavendish Mansions, Portland Place à Londres. [13] Elle fréquente W.B. Yeats, qu'elle connaît par le salon de Lady Wilde mais aussi au sein de la Golden Dawn : elle l'invite chez elle à prendre le café et le poursuit de ses avances, en vain. [14]

En avril 1889, elle quitte l'Angleterre pour l'Afrique du Sud, en compagnie du grand magicien Dr Lynn , avec lequel elle fait une tournée dans le pays. [15] Après s'être produite dans plusieurs théâtres de Kimberley et Johannesburg, elle devient, selon ses propres mots, « la première journaliste connue en Afrique du Sud » : elle écrit régulièrement pour Standard and Diggers' News. « C'est le principal journal de la jeune république du Transvaal et l'organe officiel du Président Oom Paul Kruger, que je connais bien et que je respecte et admire beaucoup. » [16]
C'est à Johannesburg qu'elle fait paraître son premier recueil de poèmes : Love Poems (Cape Town : Argus Printing and Publishing Company, 1889).
Elle reprend la mer en direction de Londres en juin 1890. « Cette grande vie débordante, libre, en Afrique du Sud, a élargi mon horizon intellectuel, ce qui, avec ma formation et mon ambition américaines, m'a apporté beaucoup d'énergie et d'enthousiasme.. » dira-t-elle en 1898 dans une interview.
Elle donne alors, dans les îles britanniques, des conférences sur le Transvaal et la question de l'or. Ainsi, le 15 mars 1891, s'exprime-t-elle à Londres sur les « Champs aurifères du Sud-Afrique et le Transvaal », avec « projections à la lumière électrique ». Le Transvaal est, d'après elle, un vrai Eldorado pour les femmes [17], qui peuvent y faire leur chemin notamment dans la peinture et le journalisme. Elle conseille surtout Johannesburg, la « ville d'or », appelée, selon elle, à devenir l'une des villes les plus prospères du monde.
Elle publie The Gentleman Digger : A Study of Johannesburg Life (London : Sampson, Low and Co, 1891) [18], un roman qui est aussi une description très réaliste de la vie à Johannesburg durant cette ruée vers l'or, et dans lequel elle n'hésite pas à peindre des scènes très sordides rendant compte de cette période de crise et de famine, de la cruauté et de la brutalité de l'exploitation minière, d'un monde où d'un côté l'on meurt de faim tandis que de l'autre on festoie.
A cette époque, elle commence aussi à composer de la musique et des « coon songs » [19] qui rencontrent un grand succès.

Elle retourne pour quelques mois dans la ville de son enfance, Cincinnati, et rend visite à ses sœurs, qui vivent de l'autre côté de la rivière Ohio, à Ludlow (Kentucky). [20] Elle y écrit plusieurs articles et récits pour un journal local, décrivant ses voyages dans un style qui surprend. The Cincinnati Enquirer du 31 octobre 1894 affirme : « Sa beauté rare attirait beaucoup l'attention, et quand elle apparaissait dans les rues de la ville, elle était le point de mire de tous les regards. »
En 1892, elle publie The World of Music, en trois volumes : The Great Virtuosi, The Great Singers et The Great Composers (New York : Brentano's, 1892), ainsi qu'un nouveau recueil de poèmes, Sonnets and Love Poems (New York : Press of J.J. Little & Co, 1892). [21]

En juin 1893, elle se fait « poète lauréat » en écrivant un sonnet de félicitation dédié à la jeune Princesse Victoria Mary of Teck, en l'honneur de son mariage annoncé avec le Prince George de Galles (ils deviendront, en 1911, Queen Mary et King George V). Le sonnet est gracieusement accepté par la Princesse qui envoie à la Comtesse une lettre de remerciements ; le Prince de Galles, le Duc et la Duchesse de Teck et le Duc de York feront de même. Pour le mariage, le sonnet est imprimé sur un papier de luxe, argenté, et inclus dans une petite plaquette, contenant d'autres sonnets de la Comtesse, qui sera distribuée aux invités.
En août 1893, on rencontre son nom dans les colonnes des faits divers, comme plaignante pour un cambriolage commis dans sa résidence du quartier de Bloomsbury : alors qu'elle était absente de Londres, ses domestiques lui ont volé des bijoux, des habits, des tapisseries et un porte-cartes de visites en nacre, pour une valeur de 200 £.

A l'automne 1894 se situe un incident qui la montre se confrontant au grand auteur dramatique W. S. Gilbert [22], dans un échange de mots d'esprit dont l'issue sera un procès qui fera, tout du moins à l'époque, la célébrité d'Anna de Brémont. Notons d'abord que lorsque débute cet échange, Gilbert connaît déjà un peu la Comtesse puisqu'il déclarera avoir assisté, en 1888, à la représentation d'As You Like It, où elle interprétait le rôle de Rosalind, et qu'à l'entracte il avait entendu des journalistes raconter quelques « histoires » à son sujet. Il avait aussi lu des articles sur ses Love Poems, auxquels il avait jeté un œil. Enfin, il avait rencontré, à New York en 1880, son mari le Dr Léon de Brémont, qui avait été appelé quand un membre de la troupe de Gilbert et Sullivan, qui faisaient représenter The Pirates of Penzance, était tombé malade.
En 1894, Anna de Brémont est une journaliste qui s'est spécialisée dans les interviews. [23] Ayant demandé, pour la revue hebdomadaire Saint-Paul's, une interview à W. S. Gilbert, elle se voit répondre qu'il fait payer ses interviews 20 guinées (525 francs de l'époque)... Anna de Brémont réplique avec un surprenant humour : « Je préfère attendre un peu et écrire votre nécrologie pour rien »... Piqué au vif, Gilbert se renseigne sur sa correspondante et prévient divers journaux de l'incident. Ainsi peut-on lire dans le Times du 23 octobre 1894 :

Harrow Weald, le 20 Octobre
Il y a quelques jours une dame qui se prétend la comtesse de Brémont m'a écrit pour me demander de lui accorder une interview pour St-Paul's. Comme je ne voulais pas me mettre à la merci de la bienséance et de la discrétion de cette dame (qui m'est connue de réputation), je lui ai répondu poliment — mais évasivement, pour lui apprendre que mes conditions pour la publication d'une entrevue étaient de 20 guinées. Ce matin, j'ai reçu la lettre ci-jointe qui, peut-être, justifiera pleinement le fait d'avoir pratiquement décliné la proposition de la comtesse de Brémont de conférer avec moi.

Granville House, Arundel Street, Strand WC 19 Oct

La comtesse de Brémont présente ses compliments à M. W. S. Gilbert, et en réplique à la réponse faite par lui à sa demande d'interview pour Saint-Paul's, dans laquelle il indique son tarif de 20 guinées pour ce privilège, lui déclare qu'elle anticipe le plaisir d'écrire sa nécrologie pour rien.

On voit, par cette lettre à la presse, que W. S. Gilbert est alors très méfiant. Il craint Anna de Brémont, « de réputation », au point, pour s'en prémunir, de contrevenir aux convenances et au droit : non seulement il révèle au public le contenu d'une correspondance privée, mais en plus il laisse entendre qu'elle n'est pas vraiment comtesse et qu'elle a une mauvaise réputation. Gilbert va plus loin encore en contactant Henry Reichardt, le propriétaire et rédacteur en chef de Saint-Paul's :

Je ne peux pas supposer que ce spécimen de méchanceté féminine ait votre sympathie ou votre autorisation, mais je pense qu'il serait bon de le soumettre à votre avis, afin que vous puissiez, si vous y êtes disposé, garder un œil attentif et éditorial sur les critiques écrites par cette dame et ayant pour sujet ma personne ou mon travail.

Anna de Brémont réagit immédiatement en s'adressant à la rédaction du Times :

Granville House, etc. 23 Oct

A l'attention du rédacteur en chef du Times

Je suis désolée d'apprendre dans votre numéro de ce matin, que ma lettre à M. W. S. Gilbert lui a causé tant de souffrances. Sa communication en réponse à ma demande d'interview pour St Paul's m'était apparue comme une sorte d'humour gilbertien, auquel j'ai répondu dans le même esprit.
En ce qui concerne certaines expressions que M. Gilbert a jugé bon d'utiliser à mon sujet dans sa lettre, je n'ai rien à dire au-delà du fait que mes avocats seront amplement en mesure de me défendre à cet égard.

Portrait illustrant plusieurs articles
sur l'affaire Gilbert
Elle engage donc des poursuites contre W.S. Gilbert, pour diffamation, estimant que le grand homme de théâtre a tenté de nuire à sa carrière journalistique.
Gilbert avait certainement lu un article du Sun dans lequel les prétentions d'Anna de Brémont au titre de comtesse étaient considérées comme d'un « ridicule démesuré ». Elle avait d'ailleurs intenté une action en diffamation contre le journal mais l'avait abandonnée par manque de ressources financières, et le Sun avait finalement présenté des excuses. Mais, cette fois-ci, elle ne se rétracte pas, et le procès a lieu, au Banc de la Reine, le 19 décembre 1895, plus d'un an après les premiers échanges. Le procès est facilement remporté par W. S. Gilbert, la Cour jugeant que s'il n'avait effectivement pas respecté la confidentialité de la correspondance, il ne l'avait pas fait par malveillance ; qu'à l'inverse, la lettre de la Comtesse sur la notice nécrologique était particulièrement malveillante ; et que rien de ce qui était suggéré dans la lettre de Gilbert aux journaux n'était faux... Le procès intenté par Anna de Brémont se retourne donc contre elle, en prouvant qu'elle n'est pas comtesse, qu'elle est de mœurs légères et que ses écrits enfreignent la bienséance.
Les avocats de Gilbert n'ont pas de mal à prouver que la discrétion ne faisait pas partie des vertus d'Anna de Brémont. Ils insistent particulièrement sur sa vie en Afrique du Sud où elle aurait provoqué le scandale par ses relations avec des acteurs et des jockeys... On parle même d'ivresse publique et d'expulsion d'hôtels : « N'importe quel homme de Johannesburg aujourd'hui à Londres pourrait vous raconter des histoires sans fin sur son compte »... Pour prouver encore mieux les libertés qu'Anna prend avec les convenances, on s'interroge sur la valeur de son roman s'intéressant aux côtés les plus sordides de la vie à Johannesburg : la littérature réaliste est honnie dans la très prude société victorienne. Des poèmes de son recueil publié en Afrique du Sud sont lus durant le procès et décrits comme « plutôt ardents », « voluptueux et érotiques »... Anna a beau invoquer que ces poèmes, comme l'annonce le recueil, furent inspirés par son mari et que le livre en contient d'autres genres, la Cour reste mal à l'aise en face de cet érotisme et en vient à remettre en cause la poéticité de ces vers...
Durant ce procès, Anna de Brémont, malgré l'humiliation d'avoir à avouer qu'elle n'est pas comtesse et de voir sa vie étalée, fait preuve d'une belle répartie et se montre une femme trop émancipée pour cette cour exclusivement masculine : elle n'a donc aucune chance, son indépendance est la preuve même de sa culpabilité. C'est aussi le procès du genre de l'interview, autant que du journalisme de la « Nouvelle Femme », considérés par le Président de la Cour Suprême comme une « plaie »... W.S. Gilbert se dit « vraiment désolé de voir la pauvre femme se faire disséquer dans le box des témoins » et demande à ses avocats de ne pas alourdir les dommages et intérêts. Elle l'en remerciera et s'excusera ; il confiera qu'elle est dorénavant sa « sœur »... Cette sympathie s'explique-t-elle par le courage de ses opinions qu'avait la Comtesse ou bien W.S. Gilbert ressent-il alors quelque honte de sa cruauté ?
Tous les journaux anglophones ou presque consacrent des articles à cette affaire qui permet alors d'apporter quelques détails biographiques sur la Comtesse. Plusieurs journaux français s'en font aussi l'écho. [24]

Cette même année 1895, l'une de ses chansons, « African Gold », est très populaire à Londres, « bien qu'une fois — racontera la Comtesse en 1898 — elle provoqua des réactions d'opposition dans le théâtre où elle était chantée, et faillit créer une émeute ».
Réédition de 1899
Anna de Brémont publie un nouveau livre : The Ragged Edge. Tales of the African Gold Fields (London : Downey, 1895), un recueil de nouvelles dans lequel elle se révèle encore une fois une critique virulente de l'industrie minière en Afrique du Sud, avec sa brutalité et sa misère.

Le 12 mars 1898, elle débarque à New York en compagnie de George Musgrove, directeur de théâtre réputé. Elle rend visite à ses proches dans les environs de Cincinnati. Elle avait prévu de retourner en Angleterre en juin mais décide finalement, alors que les États-Unis viennent de déclarer la guerre à l'Espagne, de prolonger son séjour : « maintenant que la guerre est déclarée, elle restera dans son pays natal, et offrira ses services comme infirmière. Elle est une brillante correspondante de presse, mais elle dit que ce n'est pas, pour une femme, le poste à tenir en temps de guerre ; sa place, si elle va au front, est près de la souffrance » (The Cincinnati Enquirer, 27 avril 1898). Durant ce séjour américain, elle chante à diverses occasions : au meeting de la Professional Woman's League, à l'église d'Heavenly Rest, au siège de la West End Women's Republican Association, etc. Au Cincinnati Enquirer du 28 mars, elle déclare : « Je chante toujours pour mes amis et dans les spectacles de charité. Ma voix s'est améliorée avec les années, elle est maintenant soprano dramatique. Je chante les grands rôles wagnériens, et le regretté Sir Augustus Harris, de Covent Garden, a essayé de me persuader d'essayer la scène lyrique, mais j'ai choisi de me consacrer à mon travail littéraire. » Ses poèmes sont lus à quelques réceptions. Elle adresse notamment un poème, « The Angel of Peace », au Lieutenant Richmond Pearson Hobson, un héros de la guerre hispano-américaine. En novembre, elle participe à une discussion sur « La Presse et l'influence des femmes » au meeting de la State Federation of Women's Clubs, où elle scandalise l'assistance en déclarant que « l'un des grands maux du journalisme est l'alcoolisme, même chez les femmes journalistes, les plus nobles d'entre elles étant sous l'emprise du whisky ou du champagne »... Presque dix ans après son séjour en Afrique du Sud, elle donne encore des conférences sur la vie au Transvaal. Elle ne quitte les Etats-Unis pour l'Angleterre qu'à la fin avril 1899.

A peine quelques mois après son retour éclate une nouvelle guerre : la deuxième Guerre des Boers, qui la concerne de près. Déjà en mars 1898, elle avait déclaré : « Je me sens beaucoup d'intérêt pour l'avenir de la République Boer, et j'ai soutenu le président Kruger dans sa dernière campagne pour sa réélection. ». Aussitôt la déclaration de guerre, elle fait paraître une nouvelle édition de ses deux livres sur l'Afrique du Sud. Certains affirment qu'elle connaît si bien la situation au Transvaal que le Ministère de la Guerre lui demande souvent son avis. Elle signe à ce sujet un article repris dans de nombreux journaux, « The physical development of the Boer. » Dans son interview du Sketch le 18 octobre 1899, elle déclare : « Je suis désolé pour les Boers, dans l'ensemble, et pour le président Kruger en particulier car c'est un homme d'une certaine culture et ayant de nombreuses nobles qualités, mais il va céder, et bientôt. »

Cette même année voit la parution d'un nouveau roman, A Son of Africa. A Romance (London : Greening, 1899), racontant l'histoire d'un jeune africain vendu en esclavage puis se convertisant au christianisme pour finalement devenir missionnaire en Afrique.
Il est bientôt suivi d'un autre, Daughters of Pleasure: Being the History of Neara a Musician, Athene an Actress, and Hera a Singer (London : Greening, 1900) : trois jeunes femmes tombées dans la débauche à New York deviennent, à Londres et à Johannesburg, la première une violoniste et compositrice mondialement connue, la deuxième une célèbre actrice et la troisième une grande diva. Anna de Brémont y exprime ses conceptions originales sur la société et les femmes. [25]

En août 1900, la Comtesse, qui est à Paris pour l'Exposition Universelle, rencontre par hasard Oscar Wilde, qui, ayant bien changé et étant sur le point de s'éteindre, lui fait quelques révélations. [26] Le 3 décembre 1900, elle assiste, en grand deuil, à ses funérailles.

A partir de cette date, nous avons peu de nouvelles de la Comtesse qui, entre Londres, Paris et — à partir d'une date inconnue — Saint-Jean-de-Luz, semble toujours se consacrer à la littérature et au journalisme.
Ainsi fait-elle partie, en mai 1903, du groupe des correspondants de presse chargés de couvrir la visite à Paris du roi Edward VII. Harry Cozens-Hardy, un journaliste de The Star, se souvient : « Elle était un étrange mélange de douceur et d'impétuosité. J'avais un appartement donnant sur le boulevard des Italiens. Il jouxtait celui qu'occupait Cléo de Mérode, la beauté la plus photographiée de l'époque. La Comtesse y passait souvent, et tandis que j'étais sur le balcon contemplant soit le roi Edward se rendant en voiture au Jockey Club de la rue Scribe presque en face, soit Cléo recevant son royal admirateur à la barbe blanche, la journaliste s'asseyait devant mon Bechstein et je pouvais entendre les nocturnes et impromptus de Chopin voler à travers les fenêtres ouvertes. La musique la fascinait. » [27]
Trois mois avant, en février 1903 — si l'on en croit la décision de justice validant une déclaration qui est peut-être fausse — Maryse était née à Saint-Jean-de-Luz. La Comtesse est-elle sa véritable mère, comme certains l'ont suggéré ? Nous ne le saurons sans doute jamais. Quoi qu'il en soit, la Comtesse (« tante Anna ») élèvera, seule, la petite Maryse.

A cette époque, elle possède un appartement à Paris. C'est ainsi qu'en 1904, les journaux relatent l'une des excentricités parisiennes d'Anna de Brémont : pour divertir ses amis, elle a introduit, en ses salons, le plus petit âne connu, harnaché de deux paniers de fleurs, les oreilles et la queue ornées d’œillets roses... Une lettre de 1905 à Robert Ross, l'amant et exécuteur testamentaire d'Oscar Wilde, donne pour adresse de la Comtesse le 84, rue du Cherche-Midi à Paris, dans le sixième arrondissement.

Nous n'avons pas réussi, à ce jour, à localiser le château des environs de Saint-Jean-de-Luz où Anna de Brémont et Maryse Choisy résident entre 1903 et 1909. Dans Auteurs en balade (Atlantica, 1998), Michel Fabre pense qu'il s'agit du « château de Ciboure (aujourd'hui école communale) », mais nous ne voyons pas à quel bâtiment il fait référence. Maryse Choisy en a cependant donné une description sommaire dans ses mémoires : « De mon Château je me rappelle surtout l'immense escalier de marbre et tous ces corridors sombres ». Elle se souvient également de tours, d'un « étang noir aux nénuphars blancs », de « l'Océan qui baigne le pied des arbres », de « la Vierge de Canudo [?], dont ma tante était si fière ». [28] Un autre passage, mais cette fois-ci dans un roman de Maryse Choisy, est, selon son biographe Bernard Guillemain, une véritable « carte postale du vieux château » d'Anna de Brémont [29] : « une dentelle de gris et de rose dans une gamme chromatique de verts. Ses trois tours octogonales au-dessus de la colline envoient un vent du moyen-âge. » [30] Toujours d'après Bernard Guillemain, le château possédait aussi une chapelle avec un « vitrail épouvantable » représentant une femme s'envolant et à propos de laquelle on racontait une légende que Maryse Choisy réutilisera dans quatre romans. [31]
Le personnel du château comprend un valet de chambre, une bonne, une cuisinière, un jardinier et une gouvernante, auxquels il faut ajouter les précepteurs engagés pour la petite Maryse. Il y a aussi quelques animaux dont Ovide, le saint-bernard, et Nora, la jument. Selon Maryse Choisy, deux autres « tantes » fréquentent le château : Louise et Philiberte. Sont-elles vraiment des sœurs d'Anna ? Rien ne nous permet de le confirmer.
Le château possède une grande bibliothèque où, selon Maryse, il y avait autant de livres que chez Remy de Gourmont.
Dans son grand château, Anna joue souvent du piano : par exemple, la sonate funèbre de Chopin ou la marche de Tannhaüser de Wagner... Elle est si passionnée par le compositeur allemand qu'elle aimerait soutenir une thèse sur les leitmotive de Parsifal. Maryse se souvient : « J'ai dû naître aux sons du chant d'amour et de mort de Tristan. L'univers de Wagner, je l'ai toujours connu. » [32]

Portrait double de la Comtesse
réalisé à partir des scans du frontispice
de Sonnets from a Parisian Balcony (1910)
aimablement communiqués par les libraires
Georgina Baker (Rooke Books)
et Roger Davis (Lavender Fields Books)

Le château est aussi le lieu de nombreuses réceptions : la Comtesse reçoit le grand chanteur d'opéra Fédor Chaliapine, l'Infant d'Espagne, la duchesse d'Uzès... Elle porte alors des robes du soirs décolletées, se permettant, « lors des bals et réceptions, de montrer ses épaules nues à tous les hommes. Je ne l'imaginais pas en mère de famille. Elle avait des soucis plus gais. », se souvient Maryse qui précise encore que sa tante « changeait de toilette deux fois par jour. Pour cela trente robes d'après-midi et trente « merveilles » décolletées pour le soir lui suffisaient. » Elle portait aussi des chemises « coquines » : « je soupçonnais tante Anna d'avoir de secrètes complaisances pour les fantaisies érotiques »...
Elle « mettait la Vie dans le Château endormi. Toujours elle disait ce qu'il fallait dire. Elle faisait d'emblée ce qu'il convenait de faire. Où découvrait-elle tant de monstres sacrés ? Par quels subtils cheminements devinait-elle le secret de chaque situation, le centre de chaque personne. » Elle sait flairer le « neuf » et le « hardi ». « Dans une cassette d'or elle gardait pieusement les lettres d'hommes célèbres. Jamais elle n'oubliait qu'elle avait été la seule Béatrice dans la vie d'Oscar Wilde. » C'est ainsi qu'elle admire Remy de Gourmont au point d'aller, vers 1907 ou 1908, lui rendre visite en Normandie, à Coutances : « Tu sais, c'est un homme formidable. Anatole France a dit de lui : « C'est le plus grand. Tous, nous avons écrit parfois des sottises. Remy de Gourmont, jamais. »»
Pour ce qui est de la politique, elle admire Jaurès (« tous les amis de Jaurès étaient les bienvenus au Château »), elle accueille avec enthousiasme les idées de Léon Blum, qui n'est encore que critique dramatique à Comoedia mais déjà socialiste.
Le sentiment religieux de la comtesse paraît ambivalent : si chaque dimanche, elle va écouter la messe à l'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz, où Louis XIV avait épousé l'Infante d'Espagne, Maryse la soupçonne cependant d'être une « athée qui s'ignore. Elle était pire. Elle était indifférente » ; ou bien de détester les prêtres : « Elle faisait le signe de l'index et de l'auriculaire pointés quand elle rencontrait le curé, comme un Napolitain se défend contre le jettatore. » Elle « poussait le goût aristocratique de déplaire jusqu'à s'opposer à tout les vents à la fois ». Mais elle tient aux bonnes manières, a du mépris pour les courtisanes, les danseuses, les actrices... et « comme tous les gens du monde d'avant les guerres, elle craignait les échos des gazettes » (la Comtesse n'a-t-elle donc pas dit à Maryse qu'elle avait été journaliste et chanteuse ? A-t-elle donc tant changé ?). Cet attachement aux bonnes manières peut donner lieu a de grandes colères : « Quand tante Anna, si douce d'habitude, prenait la grosse voix de la colère, ce n'était plus la même tante que je croyais connaître. Quel démon — et par quel tour de passe-passe — lui avait donné une âme de rechange, une âme qui n'était pas, qui ne pouvait pas être la sienne, une âme de quelqu'un d'autre, une méchante âme ? »
« Elle m'apparaissait comme une déesse trônante, tantôt régnant sur les hommes et les femmes du Château, tantôt s'éloignant, évanescente, vers quelque cité fabuleuse comme Paris ou quelque île étrange au nom impossible à retenir. Elle emportait le soleil avec elle. »  
En fin de compte, la Comtesse reste assez peu au château : « Il y a avait une saison pour chaque ville : janvier à Saint-Moritz, février à Monte-Carlo, le carnaval à Nice, mars à Paris, Pâques au Château, avril à Biarritz, mai à Londres, juin jusqu'au Grand Prix à Paris, juillet à Vichy, août à Deauville, septembre à Venise, octobre une ouverture de chasse dans quelque château de Sologne, novembre à Paris, pour la Noël l'Algérie ou le Maroc et quand on aimait l'aventure on se risquait en pèlerinage à Jérusalem, qui appartenait encore aux Turcs  ». Elle a ses habitudes dans le train de luxe surnommé le « Train Bleu  », est une résidente régulière du palace Négresco sur la promenade des Anglais à Nice. Vers 1909, Venise devient pour Anna « le lieu commun du commun ». Elle décide alors d'émigrer de l'autre côté de l'Adriatique : « Sur la côte dalmate, qui était alors en Autriche-Hongrie, elle loua pour tout l'été une villa avec un jardin, des arbres vénérables et une femme de chambre serbe ou croate qui faisait d'honnêtes efforts pour parler le français. Cette audace, personne avant tante Anna ne l'avait eue. »

Durant ces années à Saint-Jean-de-Luz, la Comtesse a continué d'écrire des romans.
C'est ainsi que paraît, en 1904, Mrs Evelyn's Husbands. A Problem in Marriage (London : Greening, 1904) : Evelyn, en découvrant l'infidélité de son mari, reçoit un tel choc que sa raison et sa mémoire en sont affectées. Elle disparaît et échappe à toutes les tentatives de ses amis pour la retrouver. Elle croise la route d'un certain Jean Briscau et, en l'absence de tout souvenir de son premier mariage, accepte sa proposition. Plus tard, elle retrouve la mémoire et est découverte par un ami de son premier mari.
En 1907, Lady Lilian's Luck. A Romance of Ostend (London : Greening, 1907) raconte l'histoire d'une jeune femme, Lady Lilian, partie jouer dans les casinos d'Ostende dans l'espoir de gagner une fortune suffisante pour lui permettre d'épouser l'homme de son choix.
Dans The Lioness of Mayfair (London : Everett, 1909), une princesse recueille une jeune fille irlandaise et en fait une grande artiste. Mais la princesse est si narcissique qu'elle veut être l'unique modèle de la sculptrice. Cela fonctionne bien jusqu'à ce que l'artiste tombe amoureuse d'un jeune Anglais, décidé à l'épouser. Ils fuient la princesse furieuse jusqu'en Afrique du Sud, où la jeune mariée meurt et le mari devient immensément riche. Il revient en Europe, et se trouve bientôt sur le point d'épouser la méchante princesse quand la tragédie survient. Ce roman est sans doute son plus curieux. [33]
Anna de Brémont s'essaie à la traduction et jette son dévolu sur Princesses de Science (prix Fémina en 1907), de Colette Yver, qu'elle traduit sous le titre de The Doctor's Wife (Londres : Hutchinson & Co, 1909).

Cette même année 1909, la Comtesse et la petite Maryse quittent le château pour s'installer à Paris, dans l'appartement de la rue de Varenne.
Bernard Guillemain a donné une description de cet appartement et de l'atmosphère qui y régnait (Maryse Choisy ou l'amoureuse sagesse, p.39) :

« La comtesse de Brémont était « du côté de Guermantes » par son nom, par ses origines, par son milieu aristocratique. Elle était « Verdurin » dans le meilleur sens du terme, par son flair infaillible toutes les fois qu'il s'agissait de débusquer un jeune inconnu au talent prometteur... et aussi par sa volonté d'être « d'avant garde ». Son salon n'était point décoré de pompons comme celui de Madame Verdurin. Ni de festons ou d'astragales. Le parquet, les murs, le plafond, étaient noirs, avec des éclaboussures vermillon, émeraude, topaze. Le mobilier aux lignes bouleversantes y dansait comme une Salomé dans l'opéra d'Oscar Wilde et Richard Strauss. Et les tentures, imitant les sept voiles, agitaient sur la nuit des murs et sur le jour des fenêtres, leurs couleurs brillantes, déchirantes, dont chacune figurait une volupté quintessenciée et l'aura fascinante d'un péché capital. Les roses se changeaient en parfum; sublimaient, tranchées par le col des vases de cristal comme le chef de Jean-Baptiste, s'évaporaient avec les vers de Robert de Montesquiou. Dans ce temple de la nouveauté, de la jeunesse, du mépris pour hier et même pour aujourd'hui, dans ce temple où ne flotte pas l'odeur sucrée et grasse des cierges et de l'encens mais un vague remugle de snobisme (les snobs sont la condition nécessaire des artistes) Maryse entend pour la première fois parler de problèmes passionnants. Maurice Denis n'est-il pas un bien meilleur peintre que Bouguereau ? Et doit-on encore faire mention de Bonnat quand on a eu la chance d'admirer les hardiesses de Picasso ou de Braque ? On a été l'amie d'Oscar Wilde, qui fut l'ornement du salon ; mais n'est-il pas dépassé ? On lit des poèmes de Guillaume Apollinaire. On discute de Gertrude Stein. La veille on a assisté à la première de la dernière pièce de Bernstein ou d'Henri Bataille. N'est-ce pas que le théâtre est sur le point de se renouveler ? Parsifal est créé à Paris... bien tard ! Le dieu Richard Wagner est-il encore un dieu « irradiant un sacre » ? Gabriele d'Annunzio a dîné chez Anne de Brémont. On s'est précipité, malgré le mandement de Monseigneur l'Archevêque de Paris, dont on se moque bien, pour écouter son Martyre de Saint Sébastien mis en musique par Claude Debussy. C'est divin ! Mais déjà les ballets russes de Serge Diaghilef ont révolutionné la chorégraphie [...] »

Maryse Choisy cite quelques autres noms de personnalités ayant fréquenté le salon de la Comtesse : Paul Fort, F.T. Marinetti « que tante Anna avait lancé à Paris » (!), Francis Picabia, Caruso, Pierre Mortier, alors directeur du Gil Blas, le grand pianiste et compositeur Ignacy Paderewsky qui donne des cours à Maryse... et de nombreux hommes politiques, tels que Paul Cambon, diplomate et ambassadeur de France à Londres, Léon Bérard, député de gauche, d'autres parlementaires. Et surtout Jean Jaurès : « j'ai entendu tante Anna s'entretenir avec Jaurès et ses amis de la lutte des classes  ». Maryse Choisy se souvient aussi d'une scène pittoresque où Maurice Barrès et Jean Jaurès trinquaient et riaient ensemble.
L'emploi du temps parisien de la Comtesse ressemblait, toujours d'après Maryse Choisy, à ceci :  « A Paris tante Anna était entourée de nuages comme un Jupiter tonnant. Le matin le masseur avait la priorité. Puis elle se faisait faire les pieds par M. You-You. Toutes les élégantes se disputaient You-Tchang-Li, dit You-You. [...] L'après-midi tante Anna disparaissait. Réceptions, couturiers, vernissages... Innombrables sont les devoirs de Paris. Elle connaissait tout le monde. Grâce à elle, une de ses cousines — pourtant laide — avait épousé Lord Clifford. »

En 1910, elle fait paraître un nouveau recueil de poèmes,  Sonnets from a Parisian Balcony (London : Gay & Hancock, 1910).

Les voyages continuent, avec la jeune Maryse, dans toute l'Europe. « A Londres tante Anna fut proclamée la dame la plus élégante de l'année. » La Comtesse fréquente les casinos, pendant des heures au cours desquelles elle délaisse la petite Maryse, qui se demande : « Qui la condamnait ainsi aux jeux forcés à perpétuité ?  » Elle perd toujours. C'est ainsi que vers 1911 elle perd une ferme à la roulette de Monte-Carlo...

En 1911, elle publie Oscar Wilde And His Mother : A Memoir (Everett, Londres, 1911). L'éditeur présente ainsi l'ouvrage : « Dans ses Mémoires sur Oscar Wilde, la comtesse de Brémont a traité un sujet des plus difficiles avec une délicatesse et une tendresse extraordinaires, et a mis devant nous le véritable Oscar Wilde sous un aspect nouveau et original. L'ouvrage contient de nombreux souvenirs intéressants de Lady Wilde et Constance Wilde ». Surtout, elle y développe, au sujet d'Oscar Wilde, une théorie pseudo-scientifique qui sera commentée très négativement. [34]
A l'occasion du couronnement du roi et de la reine d'Angleterre, Anna de Brémont fait paraître un livret de sept sonnets de type shakespearien, Coronation Sonnets to Her Most Gracious Majesty Queen Mary (Londres, 1911) que la reine accepte comme présent. Quelques-uns de ses sonnets paraissent encore dans une anthologie qu'elle préface, Pearls of Poesy. A Biographical Birthday Book of Popular Poets of the period at the time of the Coronation of King George and Queen Mary (Londres : Elliot Stock, 1911). Le responsable de cette anthologie dit de la Comtesse qu' « elle s'est enivrée à la fontaine de Shakespeare.  »
Le Literary Year Book, en 1921, énumère quelques autres titres d'écrits de la Comtesse à cette époque : Barbara the Scout, 1910 (pièce de théâtre) ; Sonnets at His Majesty's Theatre, 1911 ; Sonnets, Poets Club Book, 1911 ; Oscar Wilde and his Critics, 1913 ; Ishtar's Descent to the Land of No-Return (pièce de théâtre en vers), 1913 ; Beauty Boy, 1913 ; Adventures of a Yellow Cat, 1913 ; The Healing Power of Music, 1914. Malheureusement, nous n'avons pour l'instant trouvé aucune autre précision sur ces titres.
Mais la mention d'un volume édité par le Poets' Club nous confirme qu'Anna de Bremont appartient à ce club. Un article de journal note également sa présence à un dîner du Poets' Club en février 1913. La Comtesse partage ainsi au moins un point commun avec Ezra Pound qui fréquente cette société dès 1909. Ezra Pound et Anna de Brémont se connaissent-ils ? Il semblerait que oui, comme le laisse penser ce passage d'une lettre, du 3 août 1917, d'Ezra Pound à Margaret Anderson, juste après lui avoir recommandé la Baronne de Brimont (qui cependant « n'a pas une once de cerveau ») :

« Ne confonds pas La Baronne de Brimont avec La Comtesse de Bremont. Ce ne sont pas la même personne. J'ose dire que personne à N.Y. n'a jamais entendu parler de l'une ou de l'autre (aucune raison à cela). Celle avec le i vit à Paris, l'autre est une impossibilité de Londres. » [35]

La tombe d'Oscar Wilde, telle que la virent la Comtesse
et Jacob Epstein, un certain matin de septembre 1912.
En septembre 1912, la Comtesse prend part à un incident concernant Oscar Wilde qui est beaucoup commenté dans la presse anglophone : alors que le conservateur du cimetière du Père Lachaise avait décidé, pour ne pas heurter la pudibonderie des visiteurs, de couvrir d'une bâche le monument réalisé par Jacob Epstein, Anna de Brémont se rend au cimetière pour protester, sans savoir que de son côté, le sculpteur avait quitté Londres avec les mêmes intentions. Ils se rencontrent alors, par hasard, devant la tombe, en une scène que la presse décrit comme empreinte d'une intense émotion, et c'est donc en présence de la Comtesse que Jacob Epstein, les larmes aux yeux, s'approche de la tombe d'Oscar Wilde et déchire l'immense bâche qui la recouvre. On apprend à cette occasion que la Comtesse est sans doute la plus grande admiratrice d'Oscar Wilde, se rendant quotidiennement sur sa tombe afin de prier pour son âme et y déposer des fleurs.

Le 29 mai 1913, elle assiste à la première du Sacre du Printemps de Stravinsky et participe activement au chahut général :

« Elle arriva très tard et dans quel état ! Elle en oublia de me gronder parce que je ne dormais pas encore. Sa robe qui avait coûté si cher en francs-or était froissée. Son maquillage se défaisait lamentablement. Sa coiffure savante chavirait et — ô comble ! — elle avait perdu quelque part en route deux boucles. Une troisième se promenait sur ses épaules nues.
— J'ai déchiré mes gants, dit-elle, à force d'applaudir contre les autres.
— Qu'est-il arrivé, chère tante ?
— La Comtesse de Pourtalès a prétendu : « C'est la première fois qu'on me manque de respect  ». Elle devient gâteuse, cette vieille ! Stravisnky a du génie ! On s'est battu à la fin.  »

Anna de Brémont assiste aussi à une représentation de Siegfried de Wagner, lors de son dernier voyage à Venise.

En 1914, paraît un nouveau volume de vers,  Love Letters in Verse To a Musician (London and New York, 1914), constitué de seulement dix-huit poèmes. Qui est ce musicien auquel la Comtesse adresse des « lettres d'amour en vers » ? Il s'agit d'un certain Thuel Burnham, pianiste américain vivant à Paris. La dédicace de l'ouvrage précise : « A Thuel Burnham dont la musique a inspiré ces Lettres d'Amour en Vers écrites dans le Livre secret de mon Coeur, je dédie ces quelques feuilles odorantes avec le tendre amour de nos âmes jumelles en Musique. » Une introduction précise encore : « Lorsque le jeune artiste à qui ce petit livre de vers est dédié arriva à Londres pour faire ses débuts, il eut la chance de faire la connaissance de la Comtesse de Brémont — poètesse, chanteuse, écrivain et compositrice — à qui ses dons furent une source d'inspiration, ainsi que Chopin fit pour George Sand. La comtesse écrivit à ce jeune « faune de la Musique » une petite lettre en vers tous les jours, lettres parmi lesquelles nous avons choisi celles de la présente brochure — petits joyaux de compréhension et de sympathie, l'hommage d'une âme d'artiste à une autre... »

La Comtesse est, en ces années précédant la guerre, très patriote : comme pour beaucoup de Français, il est pour elle juste et indispensable de reconquérir l'Alsace et la Lorraine. C'est pourquoi, au début de la guerre, elle offre son château à la France. Le gouvernement le convertit en hôpital : « Les blessés arrivaient de plus en plus nombreux. Il n'y avait plus de place pour nous dans le Château. Il fallait rentrer rue de Varenne. »
A Paris, elle reçoit l'aviateur Guynemer : « la maison fut sens dessus dessous. Tout ce qui appartenait au beau sexe rougit, s'émut jusqu'à l'os. »
Adelphi Terrace vers 1780 et en 1935
Il semble que la guerre lui fait perdre une grande partie de sa fortune et que c'est ce qui la décide à s'installer à Londres : « Pourquoi sur la fin de la guerre tante Anna décida-t-elle de fermer l'appartement de la rue de Varenne et de s'installer à Londres ? Avait-elle des soucis financiers ? Elle n'en parlait jamais.
Ce qui m'a toujours intriguée chez elle, c'est que dans chaque capitale elle possédait quelque parent, proche ou éloigné. A Londres son cousin, Lord Clifford lui trouva un pittoresque pied-à-terre avec un plafond peint par Angelica Kauffmann et un balconnet qui par-dessus Adam Street surplombait la Tamise toute ruisselante encore de mer nordique. Bernard Shaw était notre voisin. »
Ce « pittoresque pied-à-terre » est en fait l'une des maisons d'Adelphi Terrace, un gigantesque ensemble de maisons contiguës, de style néo-classique, formant un immense palais surélevé par une terrasse dominant la Tamise. Ces maisons seront détruites dans les années 1930.
La Comtesse habite au n° 7, effectivement non loin de chez George Bernard Shaw qui habite au 10. A propos du voisinage du célèbre dramaturge, Maryse Choisy a raconté une histoire amusante : un jour, le chien de la Comtesse, un airedale nommé Plato, a mordu le futur prix Nobel..
Anna de Brémont vivra à cette adresse jusqu'à sa mort.

Un salon d'Adelphi Terrace, ici celui du n° 4
C'est ici qu'elle écrit, dans le bruit des bombes, son dernier roman ,  The Black Opal. A Fantastic Romance (London : Jarrolds, 1918) : Anseleme Varrenne, un jeune artiste pauvre, trouve, par hasard, en pleine rue à minuit, une « opale noire » aux merveilleux pouvoirs. A cause de celle-ci, Anseleme est poursuivi par des hommes mystérieux qui vont capturer la petite amie du héros, Germaine. La jeune femme tombe sous le charme de l'ennemi, allemand, et la guerre éclate. Anseleme devient un aviateur tandis que Germaine elle-même est amenée à participer à des raids aériens...
Un article paru dans The Telegram le 11 janvier 1920, « Woman of 70 writes a book » (« Une femme de 70 ans écrit un livre »), est consacré à cette parution. Revenant sur le parcours singulier d'Anna de Brémont, il décrit surtout les conditions très particulières de l'écriture de The Black Opal :

« Un récit des raids aériens sur Londres est contenu dans la publication récente d'un roman intitulé The Black Opal, ouvrage d'Anna, Comtesse de Brémont, une Américaine qui, même si elle a passé la plupart de sa vie en Europe, n'a rien perdu de son vigoureux américanisme ni de son courage américain.
La Comtesse de Brémont est une vieille femme qui fit plusieurs fois fortune avec sa plume et sa voix, car elle est une chanteuse et un écrivain célèbre, mais elle perdit sa fortune deux ou trois fois. Elle fit fortune à Johannesburg avant la guerre sud-africaine, mais elle perdit tout avec la destruction de sa propriété, au cours de cette lutte entre Boers et Britanniques.
Sans se décourager, elle recommença à travailler, et avait accumulé de grandes compétences quand la grande guerre vint encore détruire la valeur de ses investissements. Maintenant, à plus de soixante-dix ans, elle recommence sa vie pour la troisième fois.
La Comtesse de Brémont, qui fut Mlle Anna Dunphy, de Cincinnati, Ohio, était dans sa jeunesse contralto soliste à l'église Henry Ward Beecher. Elle se maria à New York avec le Comte de Brémont, membre d'une vieille famille française et, après la mort de celui-ci, vint vivre en Europe. Lorsque les Allemands commencèrent leurs raids aériens au-dessus de Londres, elle envisageait de commencer un nouveau roman, mais les idées ne venaient pas librement et elle avait tout juste commencé d'écrire quand, une nuit, la sirène prévenant que les zeppelins approchaient retentit.
Ses amis la pressèrent d'aller se réfugier dans la grande maison, située dans le quartier,  de la Duchesse de Malborough, demeure qui avait été transformée en abri anti-aérien, mais elle refusa, déclarant qu'elle n'avait peur de rien de ce que pourraient lui faire les Allemands.
Au lieu de chercher un abri, elle écrivit de façon constante dans le bruit des bombes et des canons anti-aériens, et elle continua durant les raids suivants. Elle affirme qu'elle n'écrivit jamais avec autant de facilité que lorsque les raids étaient au summum.
Les trois-quarts du livre qui vient d'être publié furent écrits dans cette ambiance, et même si The Black Opal n'est peut-être pas un grand roman, il est l'intéressante expression du courage et de la détermination d'une vieille dame américaine. »
A partir de 1919, Anna se retrouve seule, sans Maryse qui part à Cambridge : 
«  Je sais pourquoi elle m'a envoyé à Cambridge. Elle avait beau protéger les artistes, elle avait beau se situer à l'avant-garde, elle ne pouvait s'empêcher de croire que tous les étudiants de la Sorbonne faisaient la noce. Elle craignait pour moi cette promiscuité. [...] Si j'ai compris tante Anna, une jeune fille bien élevée devait cacher son doctorat comme une tare familiale. » 
Elle ne rendra qu'une seule fois visite à Maryse à Cambridge.

Aux alentours de 1920, la Comtesse veut rouvrir le château pour les fiançailles de Maryse, déclarant « Il faut ce qu'il faut » : « Je crois - la chère femme ! - qu'elle a dépensé ses derniers fonds pour les préparatifs de mon mariage. »

Quand en 1922, Maryse Choisy, de retour de sa visite à Freud qui lui a appris qu'elle était une enfant illégitime, rejoint tante Anna à Londres, elle la trouve mourante : 
« Je la trouvai désemparée, déjà très malade. Elle écouta mon discours fou. A contrecœur elle avoua :
— Je pensais que tu l'avais deviné. Faut-il te mettre les points sur les i ? Eh oui, Freud a raison. Tu es un peu enfant naturelle...  »
 Maryse insiste, la Comtesse répond : « Plus tard... plus tard... (Elle avait vraiment l'air pâle...) Tu ne vois pas que je suis fatiguée ce soir ? »
« Je ne pouvais pas quitter tante Anna. Elle s'affaiblissait de jour en jour. Aurais-je encore le temps de lui poser des questions dont dépendait mon destin ? Qu'un être intelligent puisse se défaire ainsi est en soi un scandale. Sa vie est allée se rétrécissant jusqu'à n'être plus qu'un mince filet d'eau égaré dans les sables. Tante Anna avait joué à l'existence. Elle avait perdu. »
A Maryse qui veut savoir le nom de son père, la tante répond : « Qu'est-ce que ça peut te faire puisqu'il ne t'a pas reconnue ?  »
« Tante Anna luttait avec la mort. Moi avec ma naissance. »
Quand elle lui demande comment était sa mère, la tante répond : « Ce qui importe, ce n'est pas la naissance, c'est la mort. Le cercueil fait le berceau.  »
« Elle eut un hoquet et s'immobilisa. Ses yeux s'étaient agrandis. ils étaient glauques. Que voyaient-ils au-delà de moi ? Voyaient-ils ? Une seconde auparavant ma tante était là, près de moi. Elle disait des choses spirituelles. Et maintenant le silence est sur tout. Elle n'est plus là. Où est-elle ?
Tant de mots que je ne lui ai pas dits. Tant de secrets qu'elle emporte. [...] La paix descendit dans la chambre crépusculaire. Je songeai à ce qu'avait été tante Anna, à sa douceur quand elle m'embrassait, à son col orgueilleux par-dessus sa toilette du soir, à ses ambitions, à ses souffrances. Et à quoi cela avait-il servi ? Il en restait quelques baisers sans bouche pour les recevoir.
Tout était sombre et triste. Traînait une odeur de morphine. Et aussi cet étrange crépitement. » 
Quelques coupures de presse au moment
de la mort d'Anna de Brémont
La Comtesse meurt d'une pneumonie le 19 octobre 1922. De nombreux articles nécrologiques lui sont consacrés. Certains parlent d'elle comme d'une « beauté célèbre ». Pour beaucoup, c'est l'occasion de rappeler son procès contre W. S. Gilbert. Mais la plupart de ces articles titrent sur la pauvreté de la Comtesse au moment de sa mort et sur le mystère de sa fortune perdue.





(à suivre)







NOTES
[Tous les extraits, originellement en langue anglaise, cités dans cet article biographique comme en notes, sont traduits par Grégory Haleux.]

[1] Maryse Choisy, Mes enfances, éditions du Mont-Blanc, 1971, pp. 73-74

[2] Maryse Choisy, Problèmes sexuels de l'adolescence, Aubier, éditions Montaigne, collection « L'Enfant et la Vie », 1954, p. 14. Le pédopsychiatre Michel Lemay a emprunté à Maryse Choisy cette formule pour le titre d'un de ses ouvrages, aux éditions Fleurus, collection « Pédagogie psychosociale », en 1979.

[3] Maryse Choisy, Mes enfances, op. cit., pp. 233-236.

[4] Dossier 1279 W 15 du jugement du 27 juillet 1951 par le Tribunal de grande instance de Bayonne, Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques.

[5] Nous avons eu un certain mal à dater cette naissance : les différentes notices biographiques d'Anna de Brémont la font naître en 1849, 1853, 1856 ou 1864... Paul Aron, dans son article « Les reportages de Maryse Choisy, ou le genre en questions » (Cahiers François Mauriac n° 18, 2011), trouve 1853, mais sur la foi d'un ancien article du New York Times affirmant que la Comtesse avait 19 ans à la naissance d'un fils en 1872. Or, non seulement il est difficile d'admettre qu'un article de presse aurait plus raison que les autres, mais cette parenté, comme nous l'expliquons plus loin, n'existe pas. C'est finalement par la découverte d'un recensement de 1880 indiquant qu'Anna avait 27 ans que nous pouvons affirmer qu'elle est plus certainement née en 1852.

[6] « Cincinnati est ma ville natale, c'est ici que j'ai grandi jusqu'au seuil de ma vie de femme, et ce sera toujours pour moi l'endroit le plus cher sur la terre », dira-t-elle dans une interview en 1898.
Un article de 1894 ayant l'air bien informé donne ces précisions : sa mère dirigeait une pension de famille à Cincinnati où elle était venue s'installer après la mort de son premier mari, un nommé Dunphy qui était donc le père d'Anna. Elle s'était remariée avec Thomas Malloy, un marchand-tailleur originaire de Lexington. Notons que le recensement, en 1880, de la famille de Bremon(t) à New York, indique la présence de Susie Malloy, 19 ans, demi-sœur d'Anna.
Tante Anna avait certaines idées sur ses origines plus lointaines, ainsi que la cite Maryse Choisy dans ses mémoires : « Oublies-tu que notre mère est une Paléologue et que nos aïeux ont régné à Byzance ? » (Mes enfances, p.30). Ailleurs, Maryse Choisy déclare : « Je ne jure pas que j'aie, comme le prétend tante Anna, du sang des Paléologue dans mon sang basque. L'essentiel est que je sente Byzance. » (Sur la route de Dieu..., p.195)

[7] Ici, il convient de corriger quelques erreurs commises par Paul Aron dans son article déjà cité. Ainsi avance-t-il que, peu avant la mort du comte, les époux avaient divorcé ; que cette même année il se serait remarié avec une jeune femme, Florence Derrent ; et qu'Anna aurait laissé à la garde du père leur fils Gaston, né en 1872. Or, si Léon de Brémont s'est bien marié avec Florence Derrent, il s'avère que cela s'est fait en 1871..., avant son mariage avec Anna. Gaston de Brémont, dont Paul Aron évoque le parcours tumultueux, ne peut donc pas être le fils d'Anna... Il aurait été de toute façon vraiment étrange — et Paul Aron ne s'en étonne bizarrement pas — qu'Anna, non seulement garde le nom de son mari, mais aussi continue à être présentée, dans tous les journaux, comme une veuve (et à sa mort on évoque l'héritage provenant de son mari) et aille jusqu'à lui dédier amoureusement, plusieurs années après, quelques-uns de ses livres...
Voici, de notre côté, ce que nous trouvons sur l'aventureux Gaston de Brémont :
Né en 1872 du premier mariage de Léon de Brémont avec Florence Derrent, il est présent, lors du recensement de 1880, au foyer paternel. Anna de Brémont a donc dû s'occuper quelque peu, durant les quatre années de son mariage, de l'éducation du jeune garçon. A la mort de son père en 1882, Gaston est certainement retourné vivre auprès de sa mère qui semble alors s'être remariée avec un avocat new-yorkais, John B. Mayo : un article la cite, sous ce nom, parmi les invités d'un Dr. C. C. Crammer, accompagnée de son fils le Comte Gaston de Brémont. On précise alors qu'elle sort d'une longue maladie de quatre mois. Ce mariage ne dure pas non plus et à une date indéterminée de cette même décennie, elle devient l'épouse d'un autre avocat : Remington Vernam qui, comme son surnom, "Father of Arverne", l'indique, fut connu pour avoir créé, sur la péninsule de Rockaway, la communauté d'Arverne-by-the-Sea, y faisant construire maisons, hôtels, casino, et concevant lui-même, avec l'aide de sa femme, le système routier. Le nom des premières rues est celui de ses enfants : ainsi l'une d'entre elles est-elle la Gaston Avenue (aujourd'hui Beach 66th Street, à New York). A sa mort en juillet 1907, Remington Vernam laisse un testament par lequel il accorde à Gaston de Brémont une rente de $1200 par an : cette rente devait être augmentée de $100 chaque année jusqu'à ce qu'elle atteigne $2500. 
En octobre 1912, un mandat d'arrêt est lancé contre Gaston pour non-versement de pension alimentaire et pour bigamie.
En décembre 1913, il est accusé de s'être fait passer pour un agent des services secrets américains et d'avoir, sous ce déguisement, extorqué 1500$ à sa propriétaire et diverses sommes à des propriétaires de bars et de pensions d'Hoboken (NJ). D'après sa propriétaire, Mrs Mundt, il porte un revolver, une matraque, un badge des services secrets, des menottes et quitte habituellement son appartement à quatre heures de l'après-midi pour y revenir le matin suivant. Par hasard, il lui a parlé de son ami Billie Flynn, responsable des services secrets, et lui a souvent dit qu'il préférait enquêter plutôt que de vivre des revenus de ses domaines. Il disait à ses victimes qu'il traquait des faux-monnayeurs, des gangsters de la Main Noire, des cambrioleurs et autres desperados. Impressionné par toutes ses fonctions, on lui prêtait de l'argent. Le Comte regretta même l'évasion de certains de ses prisonniers, en affirmant qu'il serait lourdement condamné à une amende pour cela : ainsi obtenait-il plus d'argent...
Gaston de Bremont est arrêté et la caution demandée s'élève à 2500$. Il précise à ce moment qu'il est un des héritiers d'une succession comprenant des terres à Paris et des propriétés de valeur au bord des rivières du Nord-Est, couvrant presque toute la rive de Manhattan. Il est ensuite condamné à passer quatre mois dans la prison de Blackwell's Island. Avant de le relâcher, on le poursuit pour l'affaire de bigamie. Nous apprenons, par ce dossier, qu'il avait pris le nom de Gaston de Berg. Nous perdons sa trace à partir de cette date.
Son fils ne suit pas le même chemin, puisqu'il est entré dans l'Histoire pour sa bravoure durant la Première Guerre Mondiale. Né en 1896 de l'union de Gaston de Brémont et d'Adah P. Vernam, Remington D.B. Vernam (ou Remington DeB. Vernam) est enrôlé dans le service aérien français pendant la Première Guerre Mondiale puis transféré dans le service aérien US après l'entrée des États-Unis dans le conflit. Il fait preuve d'un héroïsme extraordinaire dans une action près de Buzancy, le 10 octobre 1918, ce qui lui vaudra la Distinguished Service Cross. Sa citation précise : « En attaquant successivement deux ballons ennemis, le Lieutenant Vernam a montré le plus haut degré de courage. Il a exécuté sa tâche malgré le fait que plusieurs avions ennemis étaient sur lui, descendant à une altitude de moins de dix mètres et cinq miles derrière les lignes ennemies. Son tir bien dirigé a mis les deux ballons en flammes. »

[8] En avril 1882 déjà, elle participe à un concert de charité avec la soprano Anna Bishop, l'une des plus grandes chanteuses et des plus populaires de son temps. En septembre 1884, elle est engagée dans Olivette, adaptation de l'opérette d'Edmond Audran par la compagnie de Catharine Lewis. En novembre 1885, elle se produit avec le Mendelssohn Quintette Club de Boston, et en décembre de la même année, elle est remarquée dans The Enchantress, opéra de Michal William Balfe. Elle donnera à Londres quelques concerts, notamment en 1887, pour la London Artistic Society, avec Howard Paul. En 1898 encore, de passage à New York, elle chantera à plusieurs meetings de clubs féminins.

[9] Il ne semble pas qu'elle ait beaucoup réussi dans le métier d'actrice. Elle est cependant remarquée, à Londres en 1888, dans le rôle de Rosalind dans As You Like It, de William Shakespeare.

[10] Un journaliste justifie ainsi son départ : le mari de sa demi-sœur Miss Malloy était un comédien très populaire, T. J. Hawkins, qui avait un rôle important dans le grand succès théâtral de la compagnie de Minnie Palmer, « My Sweetheart » ; quand la compagnie partit faire une tournée à Londres, Anna de Brémont accompagna, avec sa sœur, l'acteur.

[11] Cette première rencontre en 1882 eut lieu lors d'un « dîner donné en l'honneur de l'apôtre de l'esthétique par un vieil ami et ancien élève de sir William Wilde, à son manoir dans le quartier de Madison Square », dîner dont « l'assistance était entièrement composée de femmes bien connues, dans la société de Boston et de New York, pour leur beauté et leur esprit ». Anna de Brémont fut très sensible, sans l'admirer pour autant, à l'apparence excentrique d'Oscar Wilde, qu'elle décrira longuement. Elle se montra alors timide, se contentant d'écouter et de regarder : « Je me souviens que j'étais incapable de décider si j'étais amusée ou édifiée par le spectacle de ce personnage resplendissant vêtu d'un manteau de velours noir, de culottes courtes, de bas de soie noirs, et de chaussures basses aux boucles étincelantes, tandis que le magnifique tournesol me fascinait à un point embarrassant ». Cette réserve ne l'empêcha cependant pas de théoriser l'attitude d'Oscar Wilde, ni même, selon ses dires, d'attirer, ce jour-là, l'attention du futur auteur du Portrait de Dorian Gray : « C'est peut-être mon silence et mon air de réserve, ou ma robe sombre, — je n'ai jamais découvert quoi, les années suivantes, alors que je le connaissais assez bien pour lui poser la question — qui a finalement attiré son attention sur moi. Nos yeux se rencontrèrent au-dessus de cette table couverte de roses. Il se tut un instant et regarda fixement vers moi. Je ne pouvais voir distinctement la couleur de ses yeux. Ils étaient d'un bleu pâle avec des reflets dorés autour de l'iris, étrangement changeants tandis que la lumière à l'intérieur semblait tourner au vert, comme la lueur dans les yeux d'un animal lointain. La métaphore peut sembler exagérée, mais pas si l'on considère qu'il était secrètement à distance — luttant contre cette fière vanité de l'âme féminine au logis de son cerveau masculin, alors que toute sa virilité souffrait du rôle féminin qu'il interprétait. [...]
Dans son regard, aussi profond que bref, je lus son secret. Je vis son âme féminine (comme nous voyons parfois les âmes de ceux qui nous entourent) se révéler dans le miroir de ces étranges yeux. Je vis son âme féminine, un prisonnier souffrant dans la mauvaise demeure cérébrale. Il y avait de la défiance et du ressentiment dans son regard. Il semblait interroger la présence d'un élément essentiel dans cette société d'admiratrices ; puis, le regard adouci dans un appel qui m'a touché à l'infini, car il me révéla inconsciemment le fardeau de son secret. Il se sentait de toute évidence rassuré par la sympathie de mes yeux, puisqu'il reprit brusquement le sujet sur lequel il discourait, et, en reprenant cette pose frivole, il s'empara d'une des roses se trouvant sur la table à côté de lui et la pressa à ses lèvres, tandis qu'il disait rêveusement, comme en réponse à ma pensée : « Qu'est-ce que l'âme ? C'est l'essence de la beauté parfaite. Je voudrais respirer l'âme de la beauté comme je le fais pour le parfum de cette rose parfaite — et mourir là-dessus si besoin ! »
Un murmure d'admiration flotta autour de la table quand sa voix mélodieuse chanta cette phrase significative. Mon attention était rivée par cette coïncidence de nos pensées sur l'âme. Je n'ai jamais oublié ces mots.
« L'âme de la femme est la beauté, reprit-il, comme l'âme de l'homme est la force. Si les deux peuvent être combinés dans un seul être, nous devrions avoir recherché la perfection  par l'art depuis que l'art a commencé. Mais l'art ne peut pas créer une vraie rose même s'il peut l'améliorer » »
Anna, Comtesse de Brémont, Oscar Wilde and His Mother; A Memoir, London: Everett, 1911, pp. 24-36.

[12] « A cette époque, une vague d'occultisme déferlait sur la société de Londres [...] tout le monde était possédé par un engouement pour la chiromancie, l'observation des étoiles, l'interprétation planétaire et le culte égyptien des forces invisibles du bien et du mal. », note Anna de Brémont (Ibid., p.95)
Cette première année, l'Ordre ne comptait que 32 membres, dont 9 femmes. Cette société secrète, qui s'inspirait à la fois de la Cabbale et des Roses-Croix, avait pour but de rétablir d'anciens rites magiques, la révélation de vérités spirituelles par l'étude de toutes les sciences occultes...
Anna de Brémont décrit, dans son mémoire sur la famille Wilde, la cérémonie par laquelle elle et Constance furent initiées : « Je passai l'épreuve en restant assez calme, mais il n'en était pas ainsi de ma compagne, Constance Wilde. Je la sentis trembler, et la main qui tenait la mienne était glacée. Sa voix trembla sur la formule d'admission que nous récitâmes ensemble — une déclaration des plus redoutables, qui menaçait de calamités ceux qui divulgueraient les études secrètes ou les discussions au sein de l'Ordre. Mon sens de l'humour fut secrètement mis à l'épreuve à cette occasion et je me sentais plus encline à rire, alors que les beaux yeux de Constance Wilde étaient pleins de larmes » La comtesse dit avoir deviné que Constance « n'était pas sérieuse dans la poursuite de la connaissance occulte, qu'elle avait une arrière-pensée en devenant membre, que son objectif était d'utiliser la tradition ésotérique pour un autre but que celui prévu par l'Ordre, et que son esprit franc et sincère s'irritait de son imposture » ; elle sous-entend que Constance s'était initiée à la Golden Dawn dans le cadre d'un projet de recherche pour son mari, et l'accuse d'avoir rapporté à son mari tous les détails de la cérémonie ; elle ajoute encore que les malheurs rencontrés par Constance et Oscar durant la décennie suivante furent attribués par de nombreux membres de l'Ordre à la rupture du serment... Toujours selon la Comtesse, l'inspiration de Wilde pour ses histoires fondées sur l'occulte ou le surnaturel provenait des révélations de sa femme sur ses études à la Golden Dawn.

[13] « Beaucoup d'hommes affluèrent à son salon, tels que le Comte Vinci, Carlo Ducci, Sir Randal Roberts, le poète, Sig. Regno Rotondo, George Bromley, et beaucoup d'autres dont les noms ont honoré la littérature et la musique » (The Cincinnati Enquirer, 31 octobre 1894).

[14] R. F. Foster, Yeats : A Life, I : The Apprentice Mage, 1865-1914, New York, Oxford University Press, 1997, p.105.

[15] Une tournée de quelques mois avec la Searelle Opera Company. Certains ont pu penser qu'elle était aussi l'assistante du magicien.
Hugh Washington Simmons, dit Dr Lynn (1831-1899) était un magicien voyageur très populaire. Ainsi aurait-il inspiré Houdini. Il fut invité dans la maison de Victor Hugo à Guernesey, où il subjugua le poète.

[16] Interview d'Anna de Brémont parue dans The Cincinnati Enquirer du 28 mars 1898.
Dans l'interview de The Sketch du 18 octobre 1899 : « J'ai pris le café avec Oom Paul et Tante Kruger [...] Voici une photographie de la maison du président Kruger à Prétoria. J'avais quitté Johannesburg avec un groupe de touristes pour Prétoria. Ceci est une photographie du groupe faisant une halte à la Half-Way House d'Orange Grove, une belle petite station de plaisir sur la route de Prétoria. [...] Le Président reçut notre groupe le plus cordialement dans son bureau, où il fumait et discutait avec plusieurs membres du Raad, dont l'un, le Général Eloff, gendre du président Kruger, m'a serré très chaleureusement la main. [...] [Mme Kruger] avait un air bienveillant de matrone, et elle me pressa de questions au sujet de la Reine et des dames de la Famille Royale ; notre interprète était bien occupé, car mon Néerlandais était trop imparfait pour la suivre vraiment. Quand nous partîmes, elle se leva, en honneur de femmes qui connaissaient si bien la Reine, et nous adressa une invitation cordiale à appeler et à prendre le café à chaque fois que nous partirions pour Prétoria. Lors d'une autre visite à Prétoria, je suis allé au Volksraad, durant une session. Voici une photo de ce moment, dit la comtesse, tendant une petite photographie à The Sketch. C'est le Président Kruger à table sous le drapeau ; si vous prenez cette loupe, vous pouvez le voir très clairement. Notez l'expression sérieuse de son visage quand il écoute le député qui est debout et qui, en passant, semble avoir un double parce qu'il a bougé durant la prise de vue. »

[17] « Le Transvaal, a-t-elle dit, offre au Royaume-Uni un soulagement très grand en ce sens que ce pays est à même d'absorber l'excédent de sa population féminine — les femmes d'une certaine éducation, ou ayant des aptitudes, qui, malheureusement, ne peuvent gagner leur vie, et courent le risque de ne jamais pouvoir trouver de maris parce que leur nombre est dans la proportion de cinq à un. » (« Ce que dit du Transvaal Mme la Comtesse de Brémont », Journal des mines, 19 mars 1891).

[18] En exergue : « A / la mémoire de mon mari / le Comte Émile Léon de Brémont / un héros de la Crimée / un ami de l'humanité souffrante / ce petit livre est amoureusement et révérencieusement / dédié. »

[19] La « chanson de nègre » — en anglais, « coon song » — était un genre à la mode dans les années 1890 et jusqu'à la fin de la Première Guerre Mondiale. Comme le cakewalk et le ragtime, la coon song fit son apparition dans le vaudeville et la comédie musicale. Au cours de la dernière décennie du siècle, un nouveau personnage était apparu dans ces spectacles : le « nègre », paresseux, irresponsable et souvent hostile. La musique pouvait prendre toutes les formes, de la valse au ragtime, mais on l'a surtout associée à l'énergie rythmique de ce dernier. Les textes étaient basés sur les stéréotypes raciaux les plus désobligeants. Le terme « coon » fut retenu pour désigner le genre après que plusieurs chansons eussent retenu le mot dans leur titre : « New Coon in Town », « The Whisling Coon », « Little Alabama Coon »... Plus de 600 « chansons de nègres » furent composées dans les années 1890 et certaines se vendirent étonnamment bien, comme « If the Man on the Moon Were a Coon », qui fit plus de trois millions de ventes. Le succès du genre s'explique autant par l'attrait de la musique entraînante que par le fait que ces chansons portaient sur des sujets interdits dans la culture victorienne répressive : la sexualité, la violence, le jeu, le libertinage...

[20] « Deux des sœurs de la Comtesse habitent Ludlow — Mrs Conner, qui est la femme de l'acteur portant ce nom, et Mrs Reed, dont le mari se livre à des activités marchandes dans notre ville. Une autre sœur est mariée à Herbert Cawthorn, l'acteur, et un frère vit dans le Kentucky. » (The Cincinnati Enquirer, 31 octobre 1894). The Cincinnati Enquirer du 21 mars 1898 évoque son frère Jack Malloy et sa sœur Mrs Jones.

[21] Ce recueil paraît avec la dédicace suivante : « A mon mari, / le Comte Léon de Brémont, / Chevalier de la Légion d'Honneur, / à la mémoire duquel le tendre amour / et la dévotion passionnée / ont inspiré ces poèmes - / la consolation de tant d'heures tristes - / je dédie avec amour / ce petit livre.  »

[22] W.S. Gilbert (1836-1911) est surtout connu pour les nombreuses comédies musicales qu'il écrivit en collaboration avec Arthur Sullivan. « On le considère généralement comme l'un des dramaturges comiques les plus originaux de la fin du siècle, bien que son succès ait été éclipsé par celui de Wilde à partir de 1890. Il entretint des relations tendues avec celui-ci qui n'avait pas apprécié la façon dont il avait ridiculisé les esthètes dans l'opérette Patience. Wilde se vengera dans L'Importance d'être constant » (in Oscar Wilde, Œuvres, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », note 5, p. 1779)

[23] Dans The Cincinnati Enquirer du 28 mars 1898, elle déclare : « Je fus la première intervieweuse connue du peuple britannique, et j'obtins des entretiens avec un grand nombre de personnes jusque-là inaccessibles dans cette branche. » Dans le Radical du 23 décembre 1895, un journaliste français ironise sur sa manière de conduire ces interviews : « Le roman et la poésie lui ayant faiblement réussi, elle a pris pour spécialité d'aller de porte en porte interviewer les personnes notoires, surtout les chanteurs, les chanteuses et les musiciens.
Par elle, nous savons que Mme Adelin Patti déjeune d'un jaune d’œuf battu dans un verre de porto, que Mme Albani est restée fidèle aux bas blancs de nos mères, et nous connaissons les menues habitudes de Mmes Nordica, Patey, etc., etc.
Nous devrons nous résigner à ignorer si M. W.-S. Gilbert gante du 7 1/2 et s'alimente de farineux, car l'interviewer et l'interviewé s'y sont pris de façon à se rencontrer seulement à l'audience du Banc de la Reine. »

[24] L'affaire intéressa tant que Paul Laffitte, pour le Gil Blas du 24 décembre 1895, alla demander l'avis d’Émile Zola (« Vraiment, je ne saisis pas l'intention de ce monsieur. Qu'a-t-il voulu faire ? Ce n'est assurément pas de l'esprit... alors ? Non, décidément, je ne comprends pas. C'est trop anglais pour moi. »), de Francisque Sarcey (« Ah ! ah ! ah ! quelle fumisterie ! ah ! non, non... il est très comique, ce garçon là ! Ah ! ah ! ah ! la bonne blague, la bonne blague ! Ah ! ah ! ah ! que c'est drôle ! Adieu, adieu... Ah ! ah ! ah ! ») et de Jules Simon (on abuse de l'interview, ce n'est pas un devoir de recevoir les reporters, dont le talent est rare...).

[25] Relevons notamment ce passage : « La femme peut par la force se sortir de la fange d'une vie impure. L'ambition tend une main pleine des dons de l'art, chacun d'entre eux pouvant revêtir la femme de célébrité et de gloire. L'amour, les bras tendus, attend debout pour recevoir la pénitente et l'envelopper dans sa robe de purification. Le mariage offre l'anneau et la parure magiques qui cacheront son péché pour toujours. Grâce à la première, l'ambition, la femme peut se racheter ; mais par les deux autres, l'amour et le mariage, elle est dépendante de l'homme. [...]
L'art est le puissant régénérateur des femmes qui ont perdu leur droit à ce qui est considéré comme la plus essentielle prérogative d'une femme vertueuse. Chose étrange à dire, beaucoup de femmes de cette classe atteignent à travers l'art une situation  beaucoup plus noble que ce qu'elles auraient réalisé si elles n'avaient pas quitté le rang de la respectabilité. Le secret de cela est d'abord difficile à trouver, mais si l'on considère le fait que depuis des temps immémoriaux la société désire être amusée et divertie, est prête à recevoir à bras ouverts ceux qui contribuent à son plaisir, il est facile de comprendre cette attitude paradoxale. La société jette un jour la femme dans le caniveau et le lendemain l'en retire, en lui permettant de chanter, danser, jouer la comédie, peindre, écrire — en un mot, de faire quelque chose qui va amuser cette société. »

[26] Oscar Wilde lui aurait alors dit : « Je vois si peu de mes vieux amis maintenant, et quand je le fais, la rencontre est trop forte pour moi. Je viens de passer une nuit blanche — une nuit de veille... ». Il fait une pause et la Comtesse complète : « Moi aussi, j'ai veillé et prié toute la nuit... » A quoi il répond simplement : « Merci... ». « Il y avait quelque chose d'indéfinissable en lui qui m'a plus impressionné que son charme et son élégance passés. Une atmosphère de spiritualité qui brillait derrière son apparence changée, comme le scintillement de l'or qui est passé par le four de l'affineur. Je sentais qu'il avait effectivement été affiné par la souffrance. » La Comtesse lui demande alors pourquoi il n'écrit plus. Il répond : « Je n'ai pas le temps d'écrire. Le temps qu'il me reste est court — mon œuvre est faite — et quand je cesserai de vivre, cette œuvre commencera sa vie. Ah ! mon œuvre vivra aussi longtemps que les hommes vivront pour la lire ! Ce sera mon grand monument ! » Et il ajoute : « Voulez-vous savoir mon secret ? Je vais vous le dire... J'ai trouvé mon âme... J'étais heureux en prison ... J'étais heureux là-bas parce que j'avais trouvé mon âme. » Anna de Brémont n'arrive pas à retenir ses larmes, qui sont plus de joie que de tristesse mais Wilde, qui ne voit que les larmes et pas leur cause, s'exclame : « Contessa ! Ne pleurez pas pour moi, mais veillez et priez — ce ne sera pas long — veillez et priez ! »
Anna, Comtesse de Brémont, Oscar Wilde and His Mother; A Memoir, London: Everett, 1911, pp. 176-188.

[27] Harry Cozens-Hardy, The glorious years. London : Robert Hale, 1953, p.117.

[28] Maryse Choisy, Mémoires (1903-1924), éditions du Mont-Blanc, 1971. Toutes les citations suivantes dont nous n'indiquons pas la source sont tirés de ce livre.

[29] Bernard Guillemain, Maryse Choisy ou l'amoureuse sagesse, éditions du Club des Amis de Maryse Choisy, 1959, p.30.
Il s'agit, étant écrite du vivant de l'auteur et publié par le Club des Amis de Maryse Choisy, d'une biographie autorisée, voire commandée et même soufflée : de nombreux passages se retrouveront, à peine modifiés, dans les mémoires de Maryse Choisy. On peut donc considérer que les interprétations de Bernard Guillemain sont validées par Maryse Choisy, voire que c'est, à travers elles, Maryse Choisy elle-même qui parle... 

[30] Maryse Choisy, Le Thé des Romanech, éditions Jean-Renard, 1943, p.15. 

[31] « Dans notre famille toutes les femmes étaient un peu folles. Ça durait depuis 838. Une de mes aïeules avait volé à travers le vitrail d'une église en plein sermon. Peut-être s'était-elle ennuyée ? On l'avait accusée de sorcellerie. Elle s'appelait Clotilde comme ma tante Cléo. C'était l'histoire favorite de maman. » (Maryse Choisy, Tes yeux m'ont vu, éditions Hautefeuille (Caractères) et le Club des Amis de Maryse Choisy, 1957, p.34).
Voir également Le Thé des Romanech, op.cit., p.49 ; Le Serpent, éditions Hautefeuille (Caractères) et le Club des Amis de Maryse Choisy, 1957, p.165 ; et Les îles s'enfuirent, Le Club des Amis de Maryse Choisy, « Psyché-Romans », 1959, p.42.

[32] En ces mêmes années, un autre excentrique passionné de musique, Albert de l'Espée, s'est fait construire un château exubérant à quelques kilomètres de Saint-Jean-de-Luz. Fanatique de Wagner, il a commandé et fait installer dans son château un orgue majestueux afin de pouvoir l'interpréter face à l'océan. La Comtesse de Brémont l'a-t-elle connu ?
Voir la biographie de cet original, par Chistophe Luraschi, aux éditions Atlantica.

[33] Pour s'en faire une idée plus précise, on peut se reporter à ce qu'en disait un critique de l'époque : « Voici un livre étonnant. Il est constitué d'une frénésie d'amour et de vengeance, avec de fréquents « états de grâce », des rangées d'astérisques et des appels à la Divinité. Rien de plus subtilement désagréable, en sa première partie, n'a été récemment vu en langue anglaise. Le boudoir parfumé de la sculptrice et son modèle aussi princesse, les caresses, les coups de fouets et les habits déchirés par la jalousie sauvage d'une femme quand l'autre commence à penser au mariage, composent un tableau qu'on ne trouve pas d'ordinaire dans les romans anglais. Le style est de ce genre curieux qui ne peut jamais être défini comme incontestablement incorrect mais menace toujours de l'être à la page suivante. L'épisode, par exemple, de la sculptrice et d'un modèle masculin ne mène à rien, n'a aucune incidence sur l'histoire et n'a été introduit que pour son seul doux plaisir. C'est un soulagement d'échapper à une atmosphère qui non seulement est (pour utiliser un mot préféré de l'auteur) voluptueuse, mais a le parfum étouffant d'une serre chaude non ventilée. L'histoire principale est finement dramatique. La sculptrice, persécutée par son ancienne dame patronnesse, modèle secrètement une horrible lionne ayant les caractéristiques de l'autre femme, puis fait un mariage heureux et meurt bientôt en laissant derrière elle un journal intime. Son mari le lit et part trouver la statue, en vue de se venger sur le portrait de la maudite femme. En attendant, il tombe à nouveau amoureux. La situation est celle, connue, de Fedora, mais avec l'importante différence qu'ici le vengeur ne sait pas que la personne qu'il aime est la même que celle qu'il hait. C'est alors que Bamralulu intervient. Il sait tout - et un peu plus, car il a des pouvoirs occultes. Bamralulu domine toute la dernière partie de l'ouvrage ; en effet, le bon sauvage est le personnage le plus satisfaisant de l'histoire. Dans son style littéraire, il n'y a pas d' « états de grâce ». Il serait incapable d'utiliser le mot « voluptueux » ou d'écrire « chair de velours », « la douceur de sa bouche de grenade » et « les brumes rouge-sang de la passion ». Mais dans le reste du livre, le lecteur qui aime ce genre de choses en trouvera beaucoup. »
Un autre critique écrivait : « Dans un style très raffiné bien qu'exotique, ce roman nous rappelle fortement l'Aphrodite de Pierre Louÿs. »

[34] Selon cette théorie, le génie d'Oscar Wilde était le produit de la combinaison de son cerveau masculin et de son « âme féminine » : « Quand l'âme et le cerveau sont unis en une combinaison naturelle, nous voyons la condition normale de l'homme et de la femme ordinaires. Lorsque l'union de l'âme et du cerveau est anormal, le résultat est le génie. Ce phénomène est dû à l'état hybride dans lequel l'âme et le cerveau sont liés en étant sexuellement antithétiques. [...] L'âme féminine dans la construction cérébrale masculine crée le génie de l'homme. Tandis que l'âme masculine dans la construction cérébrale féminine crée le génie de la femme. Par conséquent, à l'âme qui se trouve dans la mauvaise construction cérébrale est dû tout ce qui est grand dans l'art et merveilleux dans les progrès du monde » (p.15).
Vicki Mahaffey a critiqué en détails cette théorie : « [Le livre] commence, de façon non conventionnelle, par une appréciation quelque peu mystique de l'identification de Wilde avec les deux sexes, et peu à peu se transforme en une attaque de Wilde, pour avoir perturbé l'équilibre entre le cerveau « mâle » et l'âme « féminine » dans sa psyché. [...] ce qui est plus insidieux dans la diatribe de Brémont c'est son mépris de l'énergie intellectuelle, son insistance à voir la productivité intellectuelle comme le corollaire du vice sexuel, qu'elle dénonce tous les deux comme « masculins » [...] Où l'argument devient toxique c'est dans l'attribution de la chute de Wilde à la crispation de l'âme féminine et à la prédominance progressive de la force brute de la puissante structure du cerveau masculin », en lien avec son corps masculin, laquelle, dans la vision banale de la comtesse, est toujours un complot visant à dégrader l'âme. Même si elle apprécie finement la logique de la préférence de Wilde pour le drame, qu'elle appelle un « royaume hybride de la littérature », son argument dégénère rapidement en une diatribe anti-intellectuelle dans laquelle elle dénonce le cerveau « masculin » de Wilde comme produisant des « monstruosités intellectuelles, ... des problèmes artificiels nés d'un instinct littéraire perverti, des avortements de l'inspiration » [...] Pour la comtesse, la tendance de Wilde au vice sexuel est un corollaire naturel de son esprit débridé, qui fait de lui « un jongleur de mots, un acrobate des expressions », et un homme « accro au plagiat ». Ce qu'elle ne parvient pas à voir c'est que les paradoxes qu'elle vilipende dans la sphère intellectuelle, et les perversités qu'elle décrie dans le comportement sexuel de Wilde, sont les équivalents précis de l'hybridation qu'elle apprécie tant dans le croisement de genres de son identité. » (States of Desire : Wilde, Yeats, Joyce and the Irish Experiment. Oxford University Press, 1998, pp.57-58)
Cristina Pascual Aransàez concède aux réflexions d'Anna de Brémont plus d'intérêt : « elle est le premier auteur à considérer que le comportement paradoxal de Wilde envers le public est digne d'étude, et à cet égard, elle arrive à des conclusions pertinentes » (The Importance Of Being a Reader : A Revision Of Oscar Wilde's Works. Anchor Academic Publishing, 2014, pp.39-40 ; l'auteur admet cependant qu'Anna de Brémont avait « certaines idées stéréotypées sur Wilde » et expliquait « le développement ultérieur de la carrière littéraire de Wilde de manière réductrice »).
D'après Margaret D. Stetz, ces souvenirs sont « presque entièrement fictifs » (« Oscar Wilde and the New Woman » in Oscar Wilde in Context. Cambridge University Press, 2013, p. 239) et pour Natasha Gray, c'est « un mémoire histrionique et très peu fiable de son amitié avec la famille Wilde, malheureusement l'une de nos rares sources d'information sur Constance et la Golden Dawn » (« Constance Wilde : A Modest Mystic » in Cauda Pavonis: Studies in Hermeticism, n.s., 9, no. 1, printemps 1990).
Joyce Bentley juge Anna de Brémont carrément « stupide » (The Importance of Being Constance. Robert Hale, London, 1983, p.73) et Terence De Vere White la dit « imbécile » et présente son livre comme « le plus absurde des nombreux livres sur Oscar Wilde », empreint d'un « comique involontaire », ajoutant tout de même : « mais le fait que ses spéculations étaient grandiloquentes et absurdes et ses conjectures à propos de l'impression qu'elle fit sur Oscar bêtement flatteuses pour sa vanité ne devrait pas l'exclure comme témoin des relations de Lady Wilde. » (The Parents of Oscar Wilde : Sir William and Lady Wilde. Hodder and Stoughton, 1967, pp.243-247).
Voir aussi, en français, le compte-rendu du livre par Paul-Louis Hervier, dans la Nouvelle Revue de juin 1911, pp. 420-424.

[35] The Letters of Ezra Pound to Margaret Anderson : The Little Review Correspondence, New York : New Directions, 1988, p.100.


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Chronologie indicative, en attendant la rédaction des chapitres biographiques :

1903-1904 — Enfance chez « tante Anna », la comtesse Anna de Brémont, dans le château de Saint-Jean-de-Luz. Maryse est éduquée par des précepteurs. Nombreux voyages : Saint-Moritz, Monte-Carlo, Nice, Paris, Biarritz, Londres, Vichy, Deauville, Venise, Sologne, Autriche-Hongrie, Algérie, Maroc, Jérusalem… Sa tante fréquente les casinos. A Paris, elle donne des réceptions où l’on peut croiser Ignacy Paderewski, Gabriele d’Annunzio, Paul Cambon, Jean Jaurès, Maurice Barrès, Léon Bérard…
1909 — Voyage en Normandie avec sa tante. Visite à Remy de Gourmont.  
1911 — A huit ans, elle lit Ainsi parlait Zarathoustra, un récit sur saint François Xavier, une biographie de Jeanne d’Arc, six volumes sur Napoléon, un livre sur les amours de Dante et Béatrice. Elle suit les cours de danse de Raymond Duncan, où elle croise Isadora, sœur du professeur. Elle y rencontre le petit Robert, dont elle sera amoureuse trois ans. Elle veut être Jeanne d’Arc. 1913 — « […] Marinetti que tante Anna avait lancé à Paris. Son manifeste futuriste fut le texte sacré de mes dix ans. Longtemps je fus amoureuse de lui en cachette ». 1914 — Au début de la guerre, tante Anna offre le château à la France, dont le gouvernement fait un hôpital. Elle s’installe alors avec Maryse à Paris, dans son appartement de la rue de Varenne. Maryse commence à écrire des vers, mais aussi « un roman interminable jamais terminé » et une tragédie sur Prométhée qu’elle achèvera en 1944. Elle veut être Guynemer, qui d’ailleurs vient dîner chez Tante Anna. 1917 — Alors qu’elle prépare le baccalauréat, Maryse découvre Villiers de l’Isle-Adam, « l’homme que j’ai le plus intensément admiré, parce que je l’ai admiré à quatorze ans ». Elle écrit la phrase « Vivre ? les serviteurs feront cela pour nous » qu’elle utilisera dans plusieurs de ses livres. Elle écrit Presque, qu’elle éditera en 1924. Elle se passionne pour les atomes et écrit le roman d’un atome d’azote, qu’elle proposera, en vain, dix ans plus tard à Grasset. 1918 — Tante Anna quitte Paris pour Londres, où son cousin Lord Clifford lui trouve « un pittoresque pied-à-terre avec un plafond peint par Angelica Kauffmann ». Bernard Shaw était leur voisin. Maryse Choisy est élue, sous le nom de Madame Zarchi, membre de l’Aristotelian Society.
1919 — Maryse commence ses études de philosophie et de sanscrit à Cambridge, au Girton College. Elle y a pour professeurs La Vallée Poussin en sanscrit, Dawes Hicks en philosophie, Frederick C. Bartlett en psychologie expérimentale, W.R. Sorley en morale et Bertrand Russell en métaphysique et mathématiques. Elle s’est inscrite aux pompiers volontaires. Elle rencontre Alice Liddell. Surtout elle rencontre Koumar, un maharadja considéré comme l’homme le plus riche du monde : c’est le coup de foudre. La veille de leur mariage, il meurt dans un accident de voiture. Suite au deuil, elle se réfugie dans les études : doctorat de philosophie, École de Médecine. 1920 — A Cambridge, Maryse fonde l’Association de ceux qui n’ont pas de mission (A.N.O.M.). « En furent exclus ceux qui se croyaient indispensables ». L’Aristotelan Society lui donne pour adresse : 20, rue Chalgren, Paris, XVIe. 1921 — Maryse est licenciée de philosophie. Elle rencontre Albert Einstein. 1922 — Un soir, sur un coup de tête, elle prend l’Orient-Express, descend à Vienne et va chez Freud. Celui-ci lui apprend un peu brutalement qu’elle est une enfant illégitime. Tante Anna meurt peu de temps après son retour de Vienne. 
1924 — Publication, aux Editeurs associés, de Presque, quasi-roman.
Elle part pour la première fois en Inde, à Bénarès, où elle est envoyée comme chargée de cours en psychologie expérimentale par son College. Elle rencontre Rabindranath Tagore dans le Bengale. C’est là qu’elle est initiée à la danse et aux yogas. Elle participe au Congrès de Philosophie commémorant le septième centenaire de l’Université de Naples (devait venir Einstein) auquel étaient conviées de nombreuses Universités et Académies du monde. Son intervention porte le titre La création mentale avec référence spéciale à la création artistique.
Les Actes du Congrès lui donne pour adresse : 7 Adam Street Adelphi London W.C. 2 (Inghilterra). 1925 — Elle accepte une invitation de Paul Bourget, dont le mépris pour Romain Rolland la choque. C’est à cette réception qu’elle rencontre René Guénon. Elle fréquente les surréalistes et le salon du Mercure de France où elle amène son serpent. Amitié particulière avec Rachilde. Grande amitié avec Jules de Gaultier. 1926 — Maryse soutient sa thèse sur Les Systèmes de philosophie védanta et samkya. En janvier, elle préside à Pau une conférence de Jacques Dyssord sur Paul-Jean Toulet. Elle y rencontre Léon Bérard, Henry Bernstein et Marcel Achard. Elle habite un petit studio rue Jules-Breton et lit Nietzsche, Wilde et Villiers de l’Isle-Adam.
1927 — Publication, chez Alcan, de La Chirologie, avec une préface de Jules de Gaultier. Publication de Mon cœur dans une formule. Le roman est sur la liste du Femina mais sera retiré pour des raisons non littéraires. En août, elle s’engage pour les vendanges en Touraine, puis en Catalogne. En rentrant à Paris en octobre, et fait paraître, dans L’Intransigeant, « Les impressions de vendangeuse ». 1928 — Elle se fait embaucher comme femme de ménage dans un bordel. Publication, chez Montaigne, collection du Gay Savoir, d’Un mois chez les filles, reportage. Paul Morand, Georges Le Cardonnel, l’abbé Brémond en disent du bien. 1929 — Publication, aux Editions de France, d’Un mois chez les hommes, reportage. Dans Les Œuvres libres n°99 de septembre, parution de La Grande chose, nouvelle inédite. 1930 — En janvier, elle participe au « Salon des écrivains » en exposant – aux côtés de Mme et André Sikorska, Sacha Guitry, André Billy, Bernard Grasset, Paul Valéry, Lucie Delarue-Mardrus, la Comtesse de Noailles – Les Sept planètes, « dont quatre sont momentanément éclipsées puisqu'on ne peut saluer que « Delteil solarien », « Rachilde lunarienne » et M. Choisy elle-même « vénusienne » ». (L'Européen, 29 janvier 1930). Publication, chez Montaigne, collection du Gay Savoir, de L’Amour dans les prisons, reportage. Publication, aux Editions des Portiques, de Quand les bêtes sont amoureuses. Publication, aux Editions du Tambourin, de Le Vache à l’âme, roman. 1932 — Publication, chez Gallimard, de Le Veau d’or. Publication, à la Librairie Bernardin-Béchet, de Le Tour du cœur en 80 battements, essai de stratégie amoureuse. Le 28 avril, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) naissance de sa fille Colette, prénommée ainsi en hommage à l’écrivain Colette qui fut la marraine. André de Fouquières était le parrain. Décèdera le 23 décembre 2001.
1933 — Publication, aux Editions Baudinière, d’Un mois chez les députés, reportage fantaisiste. Publication, chez Flammarion, de Don Juan à Paris. 1934 — Dans Les Œuvres libres, parution de Maman, roman inédit et complet. Le 6 février, Maryse est à l’intérieur de la Chambre des Députés. 1936 — Publication, aux Editions Baudinière, de La Staviskose, satire. Publication, aux Editions Baudinière, de Le F :. Patouillard, satire : livre de reportage sur la franc-maçonnerie. Dans Les Œuvres libres n°178 d’avril, parution de Le Roi des rois, nouvelle inédite. 1937 — Dans Les Œuvres libres n°198 de décembre, parution de Jeux, roman inédit et complet. 1939 — Maryse retire du commerce ses trois premiers reportages. Elle se marie avec le journaliste Maxime Clouzet, directeur de l’hebdomadaire Axes, rédacteur politique aux services parisiens de L'Éclaireur de l’Est et collaborateur de l’Agence Radio. 1940-1945 — Durant la guerre, Maryse fait porter régulièrement des victuailles à des amis emprisonnés à Fresnes. 1940 — Dans Pour Elle n° 18 de décembre, parution de Miracle 1940, nouvelle. 1941 — Parution en épisodes du Portrait de Juliette Delmet dans Pour Elle, de février à avril. En avril et mai, dans Pour Elle n° 38 et 39, parution de « Divorce, l’opinion de Maryse Choisy ». 1942 — Publication, chez Alsatia, de Contes pour ma fille, qui contient, en condensé, son Roman d’un atome d’azote qu’elle écrivit en 1917. Publication, aux Editions Jean-Renard, de Le Portrait de Juliette Delmet. Publication, aux Editions Jean-Renard, de Fugues, poèmes.
1943 — Publication, aux Éditions Jean-Renard, de Le Thé des Romanech, premier de la série « Les Atlantides ». 1945 — Publication, chez Aubier-Éditions Montaigne, de Savoir être maman ou l’éducation des parents, avec une préface du R.P. Poucel S.J. Publication, aux Éditions Ariane, de Contes de fées, illustrés par l’auteur. A bord d’une jeep conduite par un commandant de la Division Leclerc, elle a un accident. Blessée à la tempe gauche et durant un temps dans le coma, elle subira durant six mois les conséquences de cet accident : elle se sent idiote. Elle se lance alors dans l’automatisme en peinture et écriture. 1946 — Publication, aux Éditions de Flore, d’Amarella, roman. En janvier, elle fonde la revue Psyché, « Revue Internationale de Psychanalyse et des Sciences de l’Homme ». 1947 — Maryse expose ses œuvres picturales dans une galerie de la rive gauche. 1948 — Publication, aux Éditions Psyché, de L’Anneau de Polycrate – De la culpabilité collective. Publication, aux Éditions du Mont-Blanc, collection Action et Pensée, de La Métaphysique des Yogas, avec un avant-propos de Paul Masson-Oursel. 1950 — Publication, à L’Arche, collection Commentaires, de Qu’est-ce que la psychanalyse ? Publication, à L’Arche, collection Commentaires, de Psychanalyse et catholicisme. 1952 — Second voyage en Inde. Ce voyage s’insère dans une mission scientifique : engagée dans une recherche psychosomatique sur les émotions, Maryse, équipée d’électrocardiographes et électroencéphalographes, étudie le métabolisme des yoguins en méditation. Durant ce voyage, elle rencontre Jawaharlal Nehru et Indira Gandhi, qu’elle interview pour Combat. En voyant le Sivanandashram, elle reconnaît un paysage mystérieux qu’elle avait peint en 1945 après son accident et qu’elle avait jusque-là cru imaginaire. 1953 — Elle organise à Rome un congrès de psychothérapie catholique, au cours duquel Pie XII reçoit officiellement les psychanalystes pour la première fois. 1954 — Publication, chez Aubier-Éditions Montaigne, de Le Scandale de l’amour. Publication, chez Aubier-Éditions Montaigne, de Problèmes sexuels de l’adolescence. 1955 — Publication, aux Éditions Tequi, de Le Chrétien devant la psychanalyse. 1957 — Publication, chez Hautefeuille (Caractères) et le Club des Amis de Maryse Choisy, de Le Serpent, deuxième de la série « Les Atlantides ». Publication, chez Hautefeuille (Caractères) et le Club des Amis de Maryse Choisy, de Tes yeux m’ont vu, troisième de la série « Les Atlantides ».
1959 — Publication, aux Éditions Psyché Romans, de Les îles s’enfuirent, quatrième de la série « Les Atlantides ». Publication, par le Club des Amis de Maryse Choisy, du livre de Bernard Guillemain, Maryse Choisy ou l’amoureuse sagesse. La parution de Psyché s’interrompt à la fin de l’année. 1963 — Publication, aux Éditions Universitaires, de Teilhard et l’Inde. Réapparition de la revue Psyché pour un numéro spécial consacré à René Laforgue mort l’année précédente. 1965 — Publication, aux Editions du Mont-Blanc, de L’Être et le silence. Elle fonde l’Alliance Mondiale des Religions, « pour travailler au rapprochement des hommes religieux de toute appartenance ». Troisième voyage en Inde, à Delhi et dans les Himalayas. Elle revient avec une chienne sacrée, Shakti. 1968 — Publication, aux Éditions du Mont-Blanc, d’Exercices de Yoga. Publication, aux Éditions du Mont-Blanc, de Mais la Terre est sacrée… 1969 — Elle organise à Paris une conférence du swami Chidananda, rencontré lors de son voyage en Inde de 1952. 1970 — Publication, aux Éditions du Mont-Blanc, de Moïse. Publication, aux Éditions EP, collection En Marge, de La Guerre des sexes. Quatrième voyage en Inde. A Dharmsala, elle rencontre le Dalaï Lama. 1971 — Publication, aux Éditions du Mont-Blanc, de Mes enfances, mémoires (1903-1924). 1973 — Cinquième voyage en Inde. Nouvelle rencontre avec le Dalaï Lama, qui donnera le livre de dialogues paru l’année suivante. 1974 — Publication, aux Éditions du Mont-Blanc, de Potala est dans le ciel, dialogues avec le S.S. Dalaï-Lama. 1977 — Publication, chez Émile-Paul, de Sur le chemin de Dieu on rencontre d’abord le diable, mémoires (1925-1939).
1979 — 21 mars : meurt à Paris.

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