mardi 21 janvier 2014

1954 : Le Scandale de l'Amour



Publié en 1954 chez Aubier, Éditions Montaigne.
286 pages.


Table des matières :

PREMIÈRE PARTIE : Les problèmes
I. Le paradoxe de l'amour
II. Psychologie et métaphysique du scandale

DEUXIÈME PARTIE : Le conditionnement biologique, sexuel et social de l'amour
III. Le dépassement de l'orgasme
IV. Le masculin et le féminin
V. La sexualité féminine

TROISIÈME PARTIE : Mythologie et histoire de l'amour
VI. Le mythe de l'éternité et de l'unité ou l'Androgyne originel
VII. Le mythe des âmes sœurs ou des rapports homme-femme
VIII. Tristan et Yseult
IX. La Magie et l'Amour
X. Le mythe cartésien et les valeurs viriles du contre-amour
XI. Les mythes de remontée de l'amour et les mythes de sublimation

QUATRIÈME PARTIE : La dynamique de l'amour
XII. Valeurs de joie et valeurs de destin
XIII. Le destin de la sexualité dans le sacrement du mariage
XIV. Les couples mystiques
XV. La sublimation


Le livre et la critique :

Louis Beirnaert in Études, juin 1954, pp.412-413 :

Les grands thèmes n'effraient pas M. CHOISY. Elle sait les renouveler. Une vaste culture qui s'étend de la physique à l'hindouisme, en passant par la psychanalyse et la mythologie, une étonnante faculté d'assimilation et je ne sais quel piquant et quel feu dans la présentation donnent à son ouvrage sur l'amour un tour très personnel. L'amour dont elle poursuit les manifestations, depuis l'attraction moléculaire jusqu'à l'union mystique, lui apparaît comme une grande force unique qui tend finalement à l'union avec le Tout : union indifférenciée. et anonyme dans l'extase charnelle, union personnalisée dans l'extase spirituelle des mystiques. M. CHOISY ne craint ni les mots ni les choses. Au risque de faire scandale elle accentue sans cesse la double réalité de l'amour, à la fois sexuel et spirituel jusque dans ses manifestations les plus sublimées. Son point de départ et son axe de référence, c'est l'amour passion. Point de vue intéressant qui permet de suggestifs rapprochements. On se demande parfois si elle a poussé assez loin l'analyse de tout ce qui se trouve d'imaginaire dans cette forme d'amour pour laquelle, ainsi qu'elle le rappelle : « aimer c'est s'abandonner à un être de la même nature que son destin ». L'amant ne risque-t-il pas alors de projeter sur l'autre son propre rêve ? Sommes-nous sortis du narcissisme ? Si l'amour n'est pas finalement amour de l'autre pour lui-même, comment peut-il aboutir à autre chose qu'à ce conflit dont la mort seule délivre ? Certes, M. CHOISY parle souvent de l'amour pour la personne de l'autre, mais il reste quelque ambiguïté dans sa conception : cet autre est-il pour l'amant le moyen de son extase passionnelle, ou constitue-t-il vraiment ce toi auquel je me donne et dont je reçois, dans la réciprocité d'un mouvement qui exclut à la fois l'identification et la séparation ? Mais peut-être pour en arriver là faut-il dépasser l'amour passion et en appeler à l'agapê, telle qu'elle se manifeste dans la Trinité chrétienne.
Au cours de son ouvrage, M. CHOISY est amenée à parler des valeurs propres à l'homme et à la femme. Elle ne ménage guère les valeurs viriles — de guerre et destruction —, qu'elle oppose aux valeurs féminines — de merci. Nous ne lui chercherons pas chicane sur ce point, bien que l'histoire nous montre des haines de femmes, aussi inexpiables que des haines d'hommes, et que le mythe lui-même nous présente dans les harpies, les erynnies, etc.. des figures féminines plutôt féroces. Il est certain que notre civilisation n'a pas jusqu'ici fait sa place à la femme. Maryse CHOISY le démontre brillamment. On peut se demander si elle ne va pas trop loin quand elle tend, par exemple, à présenter la fécondité sur le plan culturel comme un trait féminin, et la faculté créatrice de l'homme « comme une surcompensation à son envie d'enfanter » (p.. 125). Tout ce qu'il y a de bien en l'homme serait-il alors féminin ? ou du moins déclenché par le féminin, comme dans le cas de la femme inspiratrice ? Une tradition universelle et continue attribue pourtant la création au principe masculin. Par ailleurs, alors que le rapport de la femme à l'enfant se situe sur le plan biologique et naturel, le rapport de paternité, distingué dans toutes les sociétés du rapport de génération charnelle, se situe sur le plan de l'esprit et introduit l'enfant dans le monde spécifiquement humain de la culture, du logos. C'est le père qui reconnaît l'enfant et en fait un sujet de droit dans le monde social. La paternité transcende ici le biologique. Commentant le passage du matriarcat au patriarcat, Freud écrit : « Ce passage de la mère au père... marque une victoire de la spiritualité (Geistigkeit) sur la sensualité (Sinnlichkeit), et par là un progrès de la civilisation. En effet la maternité est prouvée par le témoignage des sens, tandis que la paternité est une acceptation (Annahme) fondée sur une conclusion et une hypothèse » (S. Freud, Gesammelte Werke, XIV, 221). D'où il suit que si la femme est bien comme le dit M. CHOISY l'intermédiaire entre l'homme et le cosmos, ce dernier, à son tour, est médiateur entre la femme et la société en tant que celle-ci transcende la nature. Tant il est vrai que l'homme et la femme sont tous deux indispensables à l'amour : le premier pour l'universaliser et en faire un facteur de civilisation; la Seconde pour lui donner son poids de matière, et sa palpitation cosmique.
On voit combien l'ouvrage de M. CHOISY suscite la réflexion. C'est là un grand mérite... du moins dans le monde des hommes. Faut-il ajouter que pour en tirer profit il faut être suffisamment formé ?

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